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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/525

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DE L’IRLANDE.

communs oppresseurs. Mais ni l’un ni l’autre de ces deux corps ne répondit alors à leurs voix généreuses ; épuisés, pour ainsi dire, par le sang qu’ils avaient perdu, dénués de toute ressource financière, le malheur pesait encore trop durement sur eux.

On s’adressa avec plus de succès à la bourgeoisie commerciale, dont l’importance s’étendait chaque jour, parce que l’industrie augmentait sa richesse sans que le luxe la diminuât. Une première association fut formée par les marchands de Dublin et des environs, à l’avénement de George III, pour défendre les intérêts catholiques et se consulter sur les mesures à prendre, afin d’obtenir l’allégement des lois pénales. Un plan fut débattu en assemblée générale, et l’on décida que des délégués des diverses provinces se réuniraient en comité permanent pour représenter le corps des catholiques romains en Irlande. Mais l’instant était encore éloigné où une telle manifestation pouvait être efficace. Les réunions furent peu nombreuses, les efforts mal concertés, et la jalousie, ce mal inhérent à toutes les combinaisons humaines, et qu’un sentiment exalté peut seul contenir, vint étouffer ce premier germe. La noblesse catholique avait repoussé les ouvertures qu’on avait commencé par lui adresser ; mais inquiète bientôt de démonstrations qui tendaient à l’isoler au sein de son propre parti, elle résolut de s’organiser de son côté, en dehors des influences démocratiques qui dominaient au sein d’une association formée par la bourgeoisie des villes commerçantes et maritimes. Dirigée par lord Trimleston, elle résolut de traiter séparément avec la couronne ; la scission devint de plus en plus profonde, et l’on dut dès-lors renoncer à l’espoir d’organiser un parti, qui ne pouvait être imposant que par son union et sa bonne discipline. Le peuple des campagnes, d’ailleurs, était resté complètement en dehors de cette tentative prématurée, et cette population devint pour l’association un obstacle formidable, qui arrêta tous ses progrès et amena bientôt sa chute.

Continuant à se faire justice à lui-même par des procédés sauvages, le paysan répandit l’épouvante d’un bout de l’Irlande à l’autre. À cette époque[1] remonte, en effet, la première insurrection des white-boys ou niveleurs (levellers), qu’on vit parcourir le pays en bandes nombreuses, abattant les clôtures, déracinant arbres et vergers, s’en prenant surtout aux bestiaux, qu’ils égorgeaient avec un acharnement impitoyable ; système analogue à celui des terry alts de

  1. 1762.