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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/536

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REVUE DES DEUX MONDES.

Cette active surveillance exercée sur tous les détails de la vie privée, cette main protectrice qui, de Dublin, s’étendait au dernier laboureur du Connaught, cette générale et paternelle tutelle se combinait avec des vues politiques et de hautes pensées d’avenir. Des pétitions élaborées au comité central se couvraient de signatures dans tout le royaume : chaque matin, des pamphlets et des journaux, soumis à une direction commune, attaquaient avec ensemble le système judiciaire et l’établissement religieux dans ce qu’il avait d’inique et d’oppresseur ; chaque soir, ces attaques étaient répétées dans des réunions accessibles à tous, assemblées enivrantes où l’on sentait, sous sa main, battre le cœur de tout un peuple, et dans lesquelles les saillies et le gros rire de la place publique se mêlaient aux éclats d’une indignation plus sérieuse.

O’Connell avait conçu une haute pensée en fondant la rente catholique. Prélever un penny par mois sur le dernier des cultivateurs irlandais, c’était d’abord ajouter aux ressources que l’association avait su s’assurer déjà par des souscriptions abondantes, c’était surtout attacher le paysan et l’homme du peuple au système pour lequel ils consentaient à prélever ainsi un impôt sur leur misère. Ainsi l’Irlandais catholique sortait, après des siècles d’anarchie, d’une sorte d’état sauvage. Il s’accoutumait à reconnaître un pouvoir, à accepter une organisation ; il s’adressait à d’autres qu’à lui-même pour obtenir allégement et justice. Ainsi se refaisait en dehors du gouvernement, et par d’autres mains que les siennes, la trame même de la société. Une organisation habilement entendue vint mettre ce nouveau gouvernement à la portée de tous, en étendant ses ramifications jusqu’aux extrémités de l’île. Des meetings par comtés et par paroisses se tinrent à époques périodiques ; leurs décisions furent régulièrement transmises au comité central où aboutissaient tous les renseignemens, et duquel émanaient tous les ordres. À chaque meeting provincial fut attaché un inspecteur autorisé à désigner lui-même cinq assistans par comté, en divisant chaque comté en cinq districts ou paroisses. Dans chacune de ces circonscriptions, un fonctionnaire fut également nommé sous l’autorité immédiate du curé : il fut chargé, avec lui, de percevoir la rente et de surveiller tout ce qui se rapportait aux intérêts paroissiaux, spécialement en ce qui concernait l’enseignement communal, les dîmes, l’impôt d’entretien pour les édifices anglicans ; il sut, conjointement avec l’ecclésiastique, employer toute son influence pour détruire les associations secrètes en s’opposant à la prestation de tout serment contraire aux lois, à