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SIDOINE APOLLINAIRE.

saient les choses au Ve siècle, parmi les beaux esprits et les grands personnages que l’empereur invitait à de petits soupers littéraires.

Jusqu’ici, on n’a pu pressentir le saint dans tout ce que j’ai raconté et cité de Sidoine Apollinaire. Lui-même ne pensait peut-être pas beaucoup à le devenir ; cependant, peu de temps après son retour de Rome, il renonça très sincèrement aux occupations profanes qui avaient rempli la première partie de sa vie, et se convertit. Trois ans après avoir prononcé ce panégyrique d’Anthemius tout plein des divinités et des souvenirs mythologiques, il était évêque.

Comment s’opéra cette conversion ? Le zèle s’y joignit certainement plus tard, mais l’ambition put la commencer. Sidoine Apollinaire avait obtenu à peu près tous les honneurs auxquels il pouvait prétendre : il était patrice ; il avait parlé à Rome devant l’empereur ; il avait une statue dans le forum de Trajan ; il devait se lasser un peu de faire des panégyriques qui portaient malheur à ceux auxquels il les adressait. Il ne pouvait pas faire toujours des panégyriques. Il ne lui restait aucune chance d’avancement politique : l’épiscopat était encore, pour les grandes familles patriciennes du pays, la seule situation qui leur conservât un ascendant véritable sur les populations. Ces motifs influèrent vraisemblablement sur la vocation un peu inattendue de Sidoine. Le clergé devait aussi désirer que cet homme considérable entrât dans ses rangs. Ce qu’il y a de certain, c’est que, vers 471, Sidoine Apollinaire fut fait évêque de Clermont ou plutôt d’Arvernum, que Clermont a remplacé.

Devenu évêque, Sidoine s’interdit sévèrement la poésie profane. Il abandonna une histoire commencée de l’invasion d’Attila dans les Gaules, invasion dont il avait été témoin. Cette histoire nous eût transmis certainement quelques traits intéressans, quelques détails instructifs ; mais il faut avouer que l’homme aux panégyriques n’était guère taillé pour peindre Attila. Il fit tous ses efforts pour entrer sincèrement et complètement dans l’esprit de sa nouvelle profession, et il y réussit après quelques luttes. Dès ce moment, ses nouveaux amis, les évêques de la Gaule, remplacent dans sa correspondance les rhéteurs auxquels ses premières lettres étaient adressées ; il se place avec un grand sentiment d’humilité, lui, plongé jusqu’alors dans les soins de la vie profane, bien au-dessous des hommes exercés et consommés dans la sainteté auxquels il se trouve associé ; il refuse, avec une modestie très bien fondée, d’interpréter les Écritures, et en effet je crois que son éducation théologique ne l’avait pas beaucoup préparé à leur intelligence. Mais, malgré la sincérité bien évidente de