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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/750

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servé toute leur organisation, et qu’il faut les combattre plus vigoureusement que jamais. Que voyons-nous cependant ? C’est à qui se refusera à imprimer une direction à ce cabinet. M. Passy annonce que les principes sont les mêmes, et que quelques préventions qui subsistaient encore s’effacent chaque jour. N’est-ce pas déjà beaucoup trop, dans une situation aussi difficile, qu’il y ait des préventions à effacer entre les membres d’un même cabinet ? Assurément, ce n’est pas pour affaiblir le ministère que nous parlons de sa faiblesse. C’est une tactique qui ne nous convient pas ; mais il est impossible, en jetant un coup d’œil sur la situation intérieure et extérieure du pays, de ne pas être frappé des embarras qui se manifestent dans le ministère du 12 mai. La politique adoptée par ce cabinet, s’il est vrai qu’elle soit fixée, est, nous dit-on, celle du centre gauche, qui n’y occupe cependant que les postes secondaires. Le centre gauche imposerait donc ses idées, sans avoir le droit de les mettre à exécution dans les départemens où ces mesures doivent être pratiquées, et sans pouvoir s’assurer si cette exécution est possible. Ainsi M. Duchâtel, qui représente le parti doctrinaire, serait, à l’intérieur, l’exécuteur des idées du centre gauche, dont il ne peut être le partisan. Chaque ministre, dans le cabinet actuel, se trouve donc appelé à faire autre chose que ce que son aptitude et sa capacité voudraient qu’il fît, et peut-être chacun d’eux appelé à la tribune pour y parler du département qu’il n’administre pas, le défendrait-il avec succès contre l’opposition, tandis que les uns gardent le silence, et que les autres parlent faiblement quand il s’agit des affaires qu’ils dirigent.

Encore une fois, nous voudrions donner au pouvoir toute la force qui lui manque, et venir en aide à ce cabinet composé d’élémens si divers ; mais la presse qui a défendu l’ordre et qui veut le défendre encore, est bien embarrassée de son rôle, et elle se voit souvent réduite à se demander à qui elle a à faire. Que répondre, par exemple, à ceux qui reprochent à quelques-uns des ministres actuels de n’être ni les sommités de parti qu’ils réclamaient eux-mêmes quand ils étaient dans la coalition, ni les spécialités qu’ils voulaient voir aux affaires, ni ces politiques résolus qui devaient établir leur système, et le faire dominer ? Enfin, quand on se demande quels principes les ministres ont apportés au pouvoir, on est encore embarrassé de répondre, car jusqu’à présent le ministère s’est contenté de demander le budget, les fonds secrets, le crédit de 10 millions, et il s’est abstenu d’exposer son système. Nous voyons, il est vrai, qu’on tient, si peu que l’on parle, le langage du centre gauche ; mais il nous semble aussi qu’on ne s’écarte pas de la politique des 221, et ceci, nous le disons en l’honneur du ministère. Mais alors qu’y a-t-il de changé en France, à quelques hommes de talent et de cœur, à quelques spécialités près, qui ont quitté les affaires ? Il suffirait donc qu’un ministère eût deux années de date pour qu’il devînt nécessaire de le remplacer par un autre, et ce serait là tout le secret du bruit que faisait la coalition. À la bonne heure ! Le mal alors ne serait pas aussi grand que nous le pensions.

Le ministère du 12 mai sera donc destiné à essuyer toutes les attaques dont