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pièce tout entière. Ils s’entremêlent burlesquement de calembours, de pointes, de concetti, de misérables inventions ou d’exagérations qui sonnent faux. C’est un vase de porcelaine dont la matière précieuse est comme fondue avec toutes les matières communes, ignobles et repoussantes. À la verve la plus naïve se joignent des affectations incroyables. Dans l’épître familière et la satire grotesque il excelle. Vous retrouverez, chez lui, Callot presque tout entier. Un beau jour, il se courrouce contre la vieille Rome, qui jouit cependant d’une autorité considérable dans le monde. — « Attendez, Rome, dit-il, attendez, je vais vous donner un coup de peigne !

Vous en tâterez, je le veux !
Mais aussi que nul ne se plaigne
Si, vous donnant un tour de peigne,
Je vous arrache des cheveux. »

Sa Rome ridicule, folie bernesque[1] de plus de trois cents vers, est entièrement écrite dans ce style. Liberté plénière à ce diseur de riens, à ce gracioso espagnol, à ce clown anglais, à ce fou privilégié ! Qu’il débite les mille folies qui se présenteront à sa cervelle fêlée. Ses stances baroques regorgent de détails caractéristiques, dont un Walter Scott s’emparerait. Vous reconnaîtrez dans ces pages la peinture extérieure de Rome en 1630 ; ruines, abbés, courtisanes, peintres, jusqu’aux vastes chapeaux des Baziles romains de ce temps-là :

Le bord flottant et rabattu
Du feutre mince et sans vertu
Qui couvre leur vaine cervelle,
Pour être, ainsi qu’eux, lâche et mol,
Ondoyé, fuit et bat de l’aile,
Comme un choucas qui prend son vol !

Les cardinaux romains passent devant vous : salut à « la pourpre éminentissime ! »

Ô quel régiment d’estafiers !
Que ces chevaux sont gais et fiers
D’avoir des houppes cramoisies !
Rome étincelle sous leurs pas ;
Et devant eux les jalousies
Font éclater tous leurs appas.
 

  1. Le Berni a chanté les figues, le melon, etc., et parodié l’enthousiasme lyrique avec une verve qui a trouvé beaucoup d’imitateurs en Italie.