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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/789

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LES VICTIMES DE BOILEAU.

d’abeilles, et l’air en est si plein, et rendu si éclatant, qu’on verrait à se conduire aisément sans autre lumière, n’était qu’on est ébloui de leur nombre et de leur agitation. »

C’est là ce qu’il a vu, observé, compris dans ses voyages. Il sait bien que ces minuties sont peu de chose ; il avoue que le luth éclate dans son œuvre plus que la trompette, mais il affirme que l’on doit lui savoir meilleur gré de cette originalité personnelle que d’une imitation servile des anciens : « Ceux qui n’aiment, dit-il, que les imitations des anciens, qui en font leurs idoles, et qui voudraient que l’on fût servilement attaché à ne rien dire que ce qu’ils ont dit, comme si l’esprit humain n’avait pas la liberté de produire rien de nouveau, diront qu’ils estimeraient plus un larcin que j’aurais fait sur autrui, que tout ce que je pourrais leur donner de mon propre bien. Et je serais de leur goût, s’il en était comme d’un certain homme qui, traitant un jour quelques-uns de ses amis et les pressant de boire d’un vin qui était assez médiocre, leur disait à chaque coup : « Messieurs, il est petit, mais au moins il est de mon cru ; » quand un de la troupe, ne pouvant en avaler sans grimace, ne put s’empêcher de lui dire brusquement et presque en colère : « Plut à Dieu qu’il fût de celui d’un autre et qu’il fût meilleur ! » Saint-Amant revient de lui-même à son vieux métier d’ivrogne. Il frappe dans sa préface l’école de Malherbe qui sera celle de Boileau. « Je ne me plais pas beaucoup, dit-il, à me parer des plumes d’autruy, comme la corneille d’Horace. » Quelques idées fort justes se trouvent heureusement exprimées dans cette même préface. « Il faut quelques fois rompre la mesure afin de la diversifier, autrement cela cause comme un certain ennuy à l’oreille, qui ne peut provenir que de la continuelle uniformité ; je dirais qu’en user de la sorte, c’est ce qu’en termes de musique on appelle la cadence, ou sortir du mode pour y rentrer plus agréablement… Je dirais encore qu’il est presque impossible de faire d’excellens vers, à cause de l’harmonie et de la représentation, sans avoir quelque particulière connaissance de la musique et de la peinture, tant il y a de rapport entre la poésie et ces deux autres sciences, qui sont comme ses cousines germaines. » Il ne veut point renoncer aux mots anciens que Boileau et Racine ont proscrits plus tard. Il emploie faux dans le sens de mauvais, rancœur, maint, lors, diffamer son bonheur pour déshonorer, crestre pour croître, tantôt pour bientôt, fléau d’une seule syllabe, et tandis pour cependant.

L’idylle héroïque de Saint-Amant correspond à l’Astrée, et con-