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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/845

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LES CÉSARS.

sance, quand jusque-là on n’avait rencontré que des hommes, César eut peur, et appela en aide tout l’art du bourreau. Aussi cette génération se souvint long-temps du spectacle que lui avaient présenté les jardins du Vatican et la place même de Saint-Pierre, aujourd’hui l’église métropolitaine du monde, lorsqu’elle reçut sa première et sanglante consécration ; quand on vit ces allées somptueuses éclairées par des hommes vivans façonnés en flambeaux, la chasse donnée par des chiens furieux à des hommes revêtus de peaux de bêtes, le peuple même s’apitoyant, si peu compatissant que fut le peuple romain, et Néron, en habit de cirque, promenant son char à travers cette fête. Juvénal et Martial, qui vinrent une génération plus tard, parlent de « cette tunique douloureuse, de ce pal qui traverse le gosier, de ce sillon de sang qui bouillonne sur l’arène[1]. » Juvénal nomme à ce propos Tigellin, et son commentateur rappelle les cruautés de Néron. Sénèque aussi me semble avoir été frappé de ce spectacle, lorsqu’il reproduit sans cesse ce qu’il nomme « les pompes du supplice, le fer, le feu, les chevalets, les bêtes féroces lancées contre un homme, le pal qui traverse le corps et sort par la bouche, la tunique tissée et revêtue de tout ce qui peut servir d’aliment à la flamme[2], le glaive qui vient rouvrir les blessures à demi fermées et faire couler un sang nouveau par les plaies devenues des cicatrices[3] ; » lorsqu’il montre la victime « calme, souriant, et souriant de bon cœur, regardant ses entrailles à découvert et contemplant ses souffrances de haut[4]; » puis lorsqu’ailleurs, en parlant de la « lumière divine que nous devons contempler aux lieux même où elle réside, et des dieux qui sont témoins de toutes nos actions, il s’écrie : « Que celui dont l’ame a conçu l’éternité ne s’effraie donc d’aucune menace ! Comment s’effraierait-il celui pour qui la mort est une espérance ? » N’y a-t-il pas dans tout cela quelque souvenir des martyrs ?

  1. Tunicâ præsente molestâ…… (Martial, X.)

    Ausi quod liceat tunicâ punire molestâ……
    Pone Tigellinum, tæda lucebis in illâ
    Quà stantes ardent qui fixo gutture fumant
    .
    ................

    (Juvénal, VIII.)
    Et latus mediam sulcus diducit arenam. (Idem.)
  2. Adactum per medium hominem qui per os emergat stipitem… tunicam alimentis ignium illitam et intextam. (Ep. 14.)
  3. Si ex intervallo repetitus, et per siccata vulnera recens demittitur sanguis. (Ep. 85.)
  4. Inter hæc aliquis (qui est-ce donc ?) non gemuit : parùm est, non rogavit ; parùm est, non respondit ; parùm est, risit et ex animo. (Ep. 78.) Invictus ex alto dolores suos spectat. (Ep. 85.)