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LETTRES POLITIQUES.

amis une popularité qu’ils vont tâcher maintenant de ne pas leur restituer ; et cette pensée peut les mener à parler par les fenêtres du conseil, comme faisaient quelques orateurs libéraux dans vos chambres de la restauration. Je sais (vous effacerez cette phrase, s’il vous convient), je sais que, dans un gouvernement constitutionnel, il y a toujours la part des tréteaux (of the hustings) ; mais on y monte plus ou moins souvent, selon le besoin où l’on se trouve de se faire applaudir, et je ne m’étonnerais pas si les grandes mesures annoncées par vos journaux n’avaient pas un autre but. En un mot, je crois que les négociations suivront leur ligne ordinaire en Orient, et que les côtes d’Espagne et les Pyrénées ne seront ni mieux, ni plus mal surveillées que par le passé. Pour les croisières projetées et les manœuvres, je ne doute pas qu’elles aient lieu ; mais votre brave marine bleue ne passera les eaux de Candie et l’Archipel, elle ne courra des bordées le long des côtes de Catalogne et du royaume de Valence, que pour donner, croyez-le, une couleur de centre-gauche à votre ministère sang-mêlé.

Pour l’Orient, il ne faut pas le juger avec les idées de 1832. L’empire turc ne résista alors que bien faiblement aux forces du vice-roi d’Égypte ; mais songez, mon cher monsieur, que le pays venait d’être civilisé ; et c’est là une opération très douloureuse, dont la Turquie entrait seulement en convalescence. Le sultan venait de se défaire de ce que je ne sais quel écrivain nommait les états-généraux de la Turquie, lesquels étaient de belles et bonnes troupes régulières, braves comme les Suisses que vous aviez jadis à votre service, mais exigeans comme eux avant et après le moment de verser leur sang. Quant au reste de ses troupes, le grand-seigneur n’avait que des milices nouvelles encore mal habituées à leurs vestes et à leurs shakos, et qui avaient grand’peine à se décider à marcher, comme elles le font aujourd’hui, au son de la musique de Donizetti. Parlons sérieusement, monsieur. Les réformes religieuses et sociales de Mahmoud avaient produit, comme toutes les réformes, un grand mécontentement dans son armée et parmi ses sujets, et le pacha vint à propos pour profiter de ces dispositions. La Syrie accueillit avec empressement Méhémet-Ali et Ibrahim-Pacha ; elle n’avait pas goûté de la domination égyptienne, et elle ne connaissait encore que les inconvéniens du régime turc. Elle peut maintenant peser le joug de ces deux pays. La Roumélie, l’Anatolie et tout ce qu’il y avait de pachas mécontens de la perte de leurs vieux usages dans ces provinces, aidèrent aussi à l’entreprise de Méhémet-Ali. Aujourd’hui, la Syrie, accablée de