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çaise, au moment du partage de l’empire ottoman, on ne pourrait y procéder sans donner des dédommagemens à la France ; et, si la France ne dormait pas ce jour-là trop fort, ces dédommagemens ne pourraient être moins qu’une île ou deux dans l’Archipel, un port en Égypte, ou le Rhin. Peut-être même diriez-vous : Et le Rhin. Vous voyez bien, monsieur, que vous serez des héros de désintéressement, en prêchant une croisade en faveur de l’empire ottoman.

Prêchez-la donc bien haut, car vous ne pouvez être suspects. Depuis que vous avez renoncé à la chevalerie féodale que vous exerciez, sous Napoléon, quand vous détroussiez les rois sur les grandes routes de Vienne, de Berlin ou de Moscou, vous avez embrassé les véritables principes de la chevalerie espagnole, qui consistait à combattre pour l’honneur, et l’Europe en a eu des preuves assez fréquentes pour ne pas douter de votre sincérité. L’Europe tout entière, et à sa tête l’Angleterre avec son aristocratie, ont déposé l’armet et la lance pour s’asseoir paisiblement dans le comptoir, l’aune à la main ; la France seule fait encore passer ses sentimens avant ses intérêts. C’est une noble conduite qui ne vous enrichira pas, mais qui ne manquera pas de vous faire beaucoup d’honneur ; et c’est toujours une grande satisfaction que de vivre en gentilshommes dans cette sordide Europe de marchands. Je vois, par un rapport qui vient d’être fait à votre chambre des députés au sujet des affaires d’Orient, que vous comptez encore ne pas déroger en cette circonstance. Vous avez, comme le dit très bien ce rapport, le double avantage d’être puissans et de n’être pas suspects dans cette affaire d’Orient. Non, monsieur, vous n’êtes pas suspects ; quant à nous du moins, nous ne vous suspectons pas le moins du monde de songer à vos intérêts commerciaux, et c’est là ce qui fait que nous vous admirons. La commission que vous avez nommée, et dont émane ce rapport, entend admirablement cette politique, et nous accepterons, pour notre part, avec un vif empressement la combinaison qu’elle prescrit à votre gouvernement. Il s’agit d’intervenir pour que la paix soit maintenue, et de forcer la Porte ottomane à signer, avec la France, l’Angleterre et l’Autriche, un traité de garantie réciproque tout semblable à celui qu’elle a contracté avec la Russie. L’Autriche proposait en 1829, comme je vous l’ai dit, à la France, le partage de la Turquie ; mais long-temps avant, le 14 mars 1812, elle avait signé avec la France un traité qui garantissait l’intégrité du territoire de l’empire ottoman, et elle est libre de revenir à l’un ou à l’autre de ses antécédens. L’intervention est donc possible, et pour nous autres Anglais, elle est