Juste ciel ! où en serions-nous si je te rendais les maux que tu me causes ! Pauvre Astolphe ! j’ai préservé mon ame de cette tentation, je l’ai quelquefois ressentie, tu le sais ! mais ton exemple m’avait fait faire de sérieuses réflexions, et je m’étais juré de ne pas t’imiter. Mais qu’as-tu ? comme tu pâlis !
Tiens, Gabrielle ! qui est-ce qui entre dans la cour ? vois !
J’entends le galop d’un cheval, (Elle regarde dans la cour.) Antonio, il me semble ! Oui, c’est lui. On dirait qu’il a entendu l’éloge que tu faisais de lui, et il arrive avec l’à-propos qui le caractérise.
Tu plaisantes avec beaucoup d’aisance… Mais que vient-il faire ici ? Et comment a-t-il découvert notre retraite ?
Le sais-je plus que toi ?
Mon Dieu ! que sais-je !…
Oh ! Astolphe !…
Ne m’engagiez-vous pas tout à l’heure à aller seul à Florence ? Peut-être Antonio est-il arrivé un jour trop tôt. On peut se tromper de jour et d’heure quand on a peu de mémoire et beaucoup d’impatience…
Encore ! Oh ! Astolphe ! déjà tes promesses oubliées ! déjà ma soumission récompensée par l’outrage !
Se fâcher bien fort, c’est le seul parti à prendre quand on a fait une gaucherie. Je vous conseille de m’accabler d’injures, je serai peut-être encore assez sot pour vous demander pardon. Cela m’est arrivé tant de fois !
Oh ! mon Dieu ! grand Dieu ! faites que je ne me lasse pas de tout ceci !…
(Elle sort, Astolphe la suit et l’enferme dans sa chambre, dont il met la clé dans sa poche.)