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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/203

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DE L’INDUSTRIE LINIÈRE.

Ce qui frappe d’abord dans ce tableau, ce sont les extrêmes inégalités qui se remarquent d’une année à l’autre, inégalités telles qu’il semble impossible d’établir aucune progression. C’est que les récoltes en lin sont très variables, et que leur abondance influe beaucoup sur les exportations. Mais, en somme, on voit bien que l’écoulement de nos lins bruts, particulièrement pour l’Angleterre, a diminué au lieu d’augmenter. L’exportation de 1837 ne dépasse guère la moitié de la moyenne de treize années. Il en est de même pour les chanvres ; car la moyenne de nos exportations pour l’Angleterre est de 8,126 kilog., et celle de 1837 n’a été que de 246 kilog. Nous savons bien qu’en pareille matière il ne faut pas considérer les résultats d’une année seulement : mais si, dans le tableau qui précède, on prend la moyenne des dernières années, et qu’on la compare à celle d’un nombre égal d’années antérieures, on trouve une diminution notable. Il y a donc, en effet, une progression descendante. Ainsi se trouve établie, malgré les assertions contraires, cette vérité, qu’à mesure que l’Angleterre augmente sa consommation en matières brutes, ses achats en France diminuent. Au reste, ce phénomène, qui paraît étrange au premier abord, a son explication toute naturelle dans les faits. La France produit, en effet, le lin et le chanvre en abondance, mais elle ne les produit pas à bon marché : à cet égard la Russie l’emporte de beaucoup sur elle. D’autre part, nos lins sont, à la vérité, d’une qualité généralement supérieure à celle des lins russes, et ceux que nous récoltons particulièrement dans quelques cantons du département du Nord et de la Normandie, se recommandent par une finesse dont ces derniers n’approchent pas. Mais sur ce point nous sommes encore vaincus par les Hollandais et les Belges, qui produisent les qualités supérieures plus couramment que nous. De là vient que l’Angleterre s’adresse pour les lins communs à la Russie, et pour les lins fins à la Hollande et à la Belgique. La France ne vient là que comme un pis-aller, et on n’a guère recours à elle que lorsque ailleurs la récolte fait défaut.

Les résultats de l’année dernière et ceux des premiers mois de cette année semblent pourtant infirmer cette assertion, et c’est en ce sens qu’ils ont été produits par M. le ministre des finances dans une discussion qui a eu lieu tout récemment à la chambre des pairs, à propos de quelques pétitions. Selon M. le ministre, quand on invoque l’intérêt de l’agriculture dans la question des lins, on s’appuie sur des faits déjà vieillis, et les derniers résultats prouvent, au contraire, que l’Angleterre se décide enfin à s’approvisionner en France des matières brutes qu’elle met en œuvre. C’est ce qu’il faut examiner.

Notre exportation en lin s’est élevée, en 1838, à un peu plus de 1,800,000 kil. Si l’on compare ce chiffre, comme l’a fait M. Passy, à celui de notre exportation en 1837, on trouve, en effet, une augmentation notable, et, en considérant cette augmentation comme le commencement d’une progression régulièrement ascendante, on sera porté à en tirer des inductions très favorables pour l’avenir. Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut l’envisager. En pareille matière, il ne suffit pas de comparer une année à l’autre ; il faut étendre son observation sur une