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abrègent et simplifient le travail. C’est par eux, non moins que par l’habileté réelle de ses ouvriers, et l’admirable direction des travaux, que M. Decoster a maintenant surpassé ses maîtres, et que la construction des métiers est arrivée chez lui à un degré de perfection que les Anglais même n’ont pas atteint. Quant à l’économie qu’ils ont produite, elle est, pour quelques pièces, de plus de moitié des anciens prix. Aussi, dans cet établissement, le prix total des machines n’excède-t-il maintenant que de 18 à 20 pour 100 celui des constructeurs anglais : résultat prodigieux, si l’on considère, nous ne dirons pas la nouveauté de notre industrie, car là cette industrie est déjà vieille, mais l’extrême cherté de nos fers et de nos charbons ; résultat d’autant plus admirable qu’il a été produit spontanément, sans avoir été provoqué par aucune espèce de concurrence dans le pays[1].

Faut-il revenir sur cette peigneuse que M. Decoster avait emportée avec lui en Angleterre, et qui lui a, pour ainsi dire, ouvert la route ? Nous n’en dirons plus qu’un mot. Il l’avait beaucoup améliorée durant son séjour en Angleterre, et c’est à la faveur de ces améliorations qu’elle avait été acceptée par un grand nombre de filateurs ; mais il n’a pas laissé de la retoucher depuis son retour en France, pour la porter à une perfection encore plus grande. Aussi, est-il vrai de dire que cette machine, telle que nous la possédons aujourd’hui, est supérieure à celle qui est demeurée en Angleterre, et que nos fabricans ont, à cet égard, un avantage sur les fabricans anglais.

Mais la plus belle découverte dont M. Decoster puisse s’honorer, et qui est peut-être aussi la plus importante que l’on ait faite pour l’industrie linière depuis huit ans, est celle du battoir propre à assouplir le chanvre ; invention vraiment capitale, et pour laquelle son auteur a jugé nécessaire de réclamer

  1. Enquête de 1838 ; séance du 26 juin. — Interrogatoire de M. Decoster :

    « D. Ainsi, il n’y aurait, entre vos prix et ceux des mécaniciens anglais, qu’une différence de 20 pour 100 au plus ? — R. Pour le moment, mes prix dépassent de plus de 20 pour 100 ceux des Anglais, parce qu’il faut encore que je fasse venir certains petits articles de préparation, que le défaut de place m’empêche de confectionner, et à cause de la complication du mouvement que j’adopte dans mes préparations. Il faut, en outre, les monter, faire des frais de déplacement, et perdre du temps pour mettre en activité les machines sortant de mes ateliers. Mais, lorsque j’aurai formé quelques sujets capables au courant de cette besogne, et que je n’aurai plus, comme les constructeurs anglais, qu’à soigner la construction, je réduirai la différence excédant 20 pour 100 à zéro. Je le pourrai, quoique en France la fonte, le fer, l’acier, le charbon, soient plus chers, parce que mes ateliers seront montés, pour ce genre de fabrication, d’une manière plus spéciale que ceux qui existent en Angleterre même. Ce que je promets, je ne l’ajourne pas beaucoup : c’est dans cinq mois que je serai à même de le réaliser. »

    Et en effet, cinq mois après, c’est-à-dire à l’ouverture de l’établissement de la rue Stanislas, ces promesses étaient largement réalisées ; mais M. Decoster n’avait pas dit qu’il emploierait à cet effet des moyens supérieurs, qui ne sont pas à la portée de tous.