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moins en France, et le nom de colon ne servit plus à désigner qu’un homme livré à la culture de la terre.

Le fonds colonaire était en général composé d’un manse, rarement de deux, souvent d’un demi-manse, ou de moins encore. Il n’était pas extraordinaire qu’un seul manse fût tenu par deux, trois et quatre ménages de colons ; quelquefois ce nombre allait jusqu’à cinq et même au-dessus. D’un autre côté, il arrivait que plusieurs ménages de colons étaient établis dans la moitié ou dans le quart d’un manse.

Le manse moyen, ainsi que je l’ai établi ailleurs, peut être considéré comme composé de douze bonniers, qui représentaient chacun environ cent vingt-huit ares, au moins dans les terres de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et sous le règne de Charlemagne, de sorte que la contenance du manse moyen était d’environ quinze hectares.

Les colons occupaient aussi des hospitia et des portions de terrain sans dénomination particulière. Dans la plupart des cas, les manses ou parties de manse qu’ils cultivaient sont qualifiés d’ingénuiles ; néanmoins, on en trouve un grand nombre qui n’étaient que lidiles ou serviles. Toutes ces différentes espèces de biens et de tenures seront expliquées plus tard.

Les redevances payées par les colons étaient nombreuses et variées. Les principales dérivaient des contributions de guerre, du droit mis sur chaque tête de bétail abattue, du droit de faire de l’herbe, des droits d’usage et de paisson dans les bois, de la capitation et des produits des terres. Elles étaient acquittées en argent, en bétail, en volaille, en œufs, en blé, en houblon, en vin, en huile, en miel, en cire, en poix, en lin, en drap, en peaux, en bardeaux, en douves, en cercles, en filets de pêche, en armes, en instrumens et outils de différentes sortes. Elles variaient pour l’espèce et pour la quantité d’un domaine à l’autre, et quelquefois aussi dans le même domaine. Le total des redevances d’un manse occupé par un ou deux ménages de colons, dans le polyptique d’Irminon, peut être évalué d’une manière générale à une somme de 200 à 300 francs de notre monnaie.

Les services corporels imposés aux colons étaient, dans la règle, moins durs que ceux des serfs ; toutefois, ils étaient encore pénibles et nombreux. On peut les distinguer en services ordinaires et en services extraordinaires. Les premiers embrassaient tous les travaux nécessaires pour la culture des champs, pour les clôtures des propriétés, pour la fauchaison, la moisson et la vendange, pour la rentrée, la garde, le transport et la vente des fruits. Ces services