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REVUE. — CHRONIQUE.

France est décidée à ne pas supporter l’abandon de ses intérêts politiques ou autres dans cette affaire.

Le discours du président du conseil qui a ouvert cette discussion indiquait en peu de mots la marche suivie par le cabinet. La première nécessité, aux yeux du ministère, était d’éviter un conflit entre le pacha et le sultan, de suspendre les hostilités entre les deux armées si elles avaient commencé. Le ministère annonçait donc qu’après un concert entre les deux gouvernemens, les escadres de France et d’Angleterre avaient été munies d’instructions à cet effet. C’est sans doute par une clause de ce concert que la France a fait les premiers pas, et que deux officiers d’état-major ont été envoyés l’un à Alexandrie et l’autre à Constantinople, pour sommer les deux contendans de s’arrêter. L’escadre anglaise de l’amiral Stopford, composée de treize bâtimens dont six vaisseaux, n’a quitté Malte que le 2 juillet, et il est question d’une bataille livrée en Syrie entre les troupes turques et égyptiennes, le 21 juin. Il est donc évident que l’Angleterre a mis moins d’empressement que la France à intervenir dans le débat oriental, et que sa dignité ni son influence ne se trouveront compromises, si les armées comme les flottes turques et égyptiennes, n’obéissent pas aux sommations pacifiques qui leur sont adressées. Dans le cas contraire, l’Angleterre se trouvera avoir contribué à cet heureux dénouement par son concert avec la France, annoncé au parlement par lord Palmerston ; et pour ce qui est des idées de guerre entretenues à Constantinople par les agens anglais, on ne sera pas embarrassé de les désavouer. Déjà, depuis la nouvelle de la maladie du sultan, on insinue à notre cabinet que lord Ponsonby pourrait bien avoir dépassé ses instructions. On voudra bien cependant remarquer que la passion de lord Ponsonby pour les intérêts du divan ne saurait être ancienne, car les démêlés de cet ambassadeur avec M. Urquhart, son ancien secrétaire d’ambassade, et qui motivèrent l’éloignement de celui-ci, n’avaient d’autre cause qu’une passion toute semblable que M. Urquhart avait conçue pour la nationalité turque, qu’il cherchait, par tous les moyens, de préserver des usurpations du pacha d’Égypte.

Les réflexions qui découlent naturellement de l’observation de tous ces faits ne nous conduisent pas toutefois à nous ranger à l’avis de M. le duc de Valmy et à regarder l’empire turc comme entièrement anéanti et démembré. Un argument fondé sur l’étude sérieuse et intelligente de l’Orient nous a frappés dans le discours de M. le duc de Valmy. Il a montré, en effet, la Russie pressant l’empire ottoman vers le nord, et s’efforçant de rallier les élémens chrétiens de l’empire, tandis que le pacha, maître des provinces méridionales, attire à lui les élémens musulmans, à la faveur de l’ascendant religieux qu’il emprunte de son titre de protecteur de la Mecque. C’est sans doute définir très justement le double danger que court l’empire turc que de le juger de part et d’autre sous le point de vue religieux ; et nous ne doutons pas que si la Turquie se désorganise, elle périra par la destruction des deux élémens musulman et chrétien dont elle se compose. Toutefois le sultan a encore, sous ce point de vue, plus d’une ressource. Nous avons vu, il est vrai, que le grand