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GABRIEL.

Tenez ! vous m’avez donné un soufflet, et des excuses ne s’acceptent jamais en pareil cas… pourtant, je recevrai les vôtres si vous voulez m’en faire… car je ne puis m’ôter de l’idée…

GABRIEL.

Des excuses ? Prenez garde à ce que vous dites, monsieur, et ne me forcez pas à vous frapper une seconde fois…

ANTONIO.

Oh ! oh ! c’est trop d’outrecuidance !… En garde !… Votre épée est plus courte que la mienne. Voulez-vous que nous changions ?

GABRIEL.

J’aime autant la mienne.

ANTONIO.

Eh bien ! nous tirerons au sort…

GABRIEL.

Je vous ai dit que j’étais pressé ; défendez-vous donc ! (Il attaque.)

ANTONIO, à part, mais parlant tout haut.

Si c’est une femme, elle va prendre la fuite !… (Il se met en garde.) Non… Poussons-lui quelques bottes légères… Si je lui fais une égratignure, il faudra bien ôter le pourpoint… (Le combat s’engage.) Mille diables ! c’est là le jeu d’un homme ! Il ne s’agit plus de plaisanter. Faites attention à vous, prince ! je ne vous ménage plus !

(Ils se battent quelques instans ; Antonio tombe grièvement blessé.)
GABRIEL, relevant son épée.

Êtes-vous content, monsieur ?

ANTONIO.

On le serait à moins ! et, maintenant, il ne m’arrivera plus, je pense, de vous prendre pour une femme !… On vient par ici, sauvez-vous, prince !… (Il essaie de se relever.)

GABRIEL.

Mais vous êtes très mal !… Je vous aiderai…

ANTONIO.

Non, ceux qui viennent me porteront secours, et pourraient vous faire un mauvais parti. Adieu ! j’eus les premiers torts, je vous pardonne les vôtres. Votre main ?

GABRIEL.

La voici.

(Ils se serrent la main. Le bruit des arrivans se rapproche. Antonio fait signe à Gabriel de s’enfuir. Gabriel hésite un instant et s’éloigne.)