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GABRIEL.

MARC.

Je le cherche ! Il est sorti… sorti pendant que je m’étais endormi ! Malheureux que je suis !… J’allais voir chez vous.

LE PRÉCEPTEUR.

Je ne l’ai pas rencontré… Mais il est sorti armé, n’est-ce pas ?

MARC.

Il est sorti sans armes ; pour la première fois de sa vie, il a oublié jusqu’à son poignard. Ah ! je n’ose vous dire mes craintes. Il avait tant de chagrin ! Depuis quelques jours il ne mangeait plus, il ne dormait plus, il ne lisait plus, il ne restait pas un instant à la même place.

ASTOLPHE.

Tais-toi, Marc, tu m’assassines. Cherchons-le !… Que vois-je ici ?… (Il lui arrache la lanterne, et s’approche de Giglio.) Que fait là cet homme ?

GIGLIO.

Tuez-moi ! tuez-moi !…

L’ABBÉ.

Et ici un cadavre !

MARC, d’une voix étouffée par les cris.

Mosca !… voici Mosca qui lui lèche les mains !

(Le précepteur tombe à genoux. Marc, en pleurant et criant, relève le cadavre de Gabriel. Astolphe reste pétrifié.)

GIGLIO, au précepteur.

Donnez-moi l’absolution, monsieur le prêtre ! Messieurs, tuez-moi. C’est moi qui ai tué ce jeune homme, un brave, un noble jeune homme qui m’avait accordé la vie, une nuit que pour le voler j’avais déjà tenté, avec plusieurs camarades, de l’assassiner. Tuez-moi ! J’ai femme et enfans, mais c’est égal, je veux mourir !

ASTOLPHE, le prenant à la gorge.

Misérable !… tu l’as assassiné !

LE PRÉCEPTEUR.

Ne le tuez pas ; il n’a pas agi de son fait. Je reconnais ici la main du prince de Bramante. J’ai vu cet homme chez lui.

GIGLIO.

Oui ! j’ai été à son service.

ASTOLPHE.

Et c’est lui qui t’a chargé d’accomplir ce crime ?

GIGLIO.

J’ai femme et enfans, monsieur ; j’ai porté l’argent que j’ai reçu à la maison. À présent, livrez-moi à la justice ; j’ai tué mon sauveur,