une douce magie l’ame des voyageurs et la fait rêver. Il ressemble à la Suède par ses grandes plaines couvertes de forêts de sapins et ses beaux lacs mélancoliques, où le rossignol du Nord se balance sur les branches flexibles du bouleau, en soupirant son chant plaintif. L’hiver, toutes ces plaines où le vent balaie des tourbillons de neige, ces sapins dont la morne verdure se cache sous un manteau de givre, ces lacs glacés et silencieux, ces longues nuits si froides et si sombres, jettent dans le cœur de celui qui les contemple pour la première fois une sorte de saisissement douloureux, une surprise mêlée d’effroi. À voir dans certains momens cette nature déserte, revêtue de son blanc linceul, privée de son soleil, on croirait voir le tableau de cet anéantissement prédit par les mythologies du Nord, l’heure fatale où les astres qui nous éclairent doivent être engloutis par deux monstres ; où la terre doit être ensevelie dans le silence et replongée dans le chaos. Mais laissez-vous guider sans crainte par le paysan qui fait glisser son léger traîneau sur la glace épaisse des fleuves et des lacs : bientôt vous allez voir la croix de la chapelle debout comme un phare au-dessus de cet océan de neige, et la fumée qui s’échappe du foyer de la ferme. Vous êtes étranger, vous entrez avec ce titre dans la maison finlandaise, et aussitôt la famille s’empresse autour de vous comme si vous étiez un ami attendu depuis long-temps. Le vieillard se retire pour vous laisser sa place autour de l’âtre. Les jeunes gens se chargent de votre bagage, et tandis que la maîtresse de la maison avise aux moyens de vous faire faire un dîner de luxe, la jeune fille va prendre dans l’armoire le linge le plus blanc pour vous préparer le meilleur lit de l’habitation. À peine avez-vous reposé votre tête sous ce toit hospitalier, que vous vous sentez saisi par les plus douces séductions, car, de quelque côté que vos regards se tournent, vous ne voyez qu’une physionomie confiante et honnête, un sourire bienveillant, une main toute prête à serrer votre main.
Cette saison de l’hiver, si rude et si sombre, est d’ailleurs l’époque choisie pour les fêtes de famille et les réunions joyeuses. Dans ce temps-là, le Finlandais n’est pas, comme dans l’été, astreint à de continuels travaux, et les voyages pour lui sont plus faciles ; les fleuves et les montagnes ne l’arrêtent plus. La neige a nivelé toutes les aspérités de terrain, et la glace abrège sa route. Il s’en va en droite ligne par les marais, par les ravins, par les lacs, soit à pied avec ses longs patins en bois, soit en traîneau avec son cheval ferré ; ces voyages ont surtout lieu vers Noël. Alors tous les parens veulent se voir, tous les voisins se réunissent l’un chez l’autre, buvant la