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LE SCHAH-NAMEH.

deux oncles la mort de son père. Les dernières années du grand Feridoun s’écoulèrent dans le deuil et la solitude ; enfin il mourut en contemplant les têtes de ses trois fils, et Minoutcheher le remplaça sur le trône.

Sous son règne est placée l’histoire de Zal, père de Rustem, qui est le principal héros du Livre des Rois.

Zal naît avec des cheveux blancs comme ceux d’un vieillard ; exposé sur le mont Alborz, « qui est près du soleil et loin de la foule des hommes, » il est enlevé par le simurgh, oiseau gigantesque et intelligent que je crois l’original du rokh des contes arabes et de l’alcyon des Histoires véritables de Lucien. Le simurgh nourrit l’enfant avec tendresse, dans son nid, comme s’il eût été un de ses petits. Quand le père de Zal, averti par un songe, vient au pied du mont Alborz pour chercher son fils, le nourrisson du simurgh ne veut pas le quitter : « Tu es donc fatigué de ma compagnie, dit Zal à l’oiseau ; ton nid est pour moi un trône brillant, tes deux ailes sont pour moi un diadème glorieux. » Le simurgh lui répondit : « Quand tu auras vu un trône et une couronne, et la pompe du diadème, peut-être qu’alors ce nid ne te conviendra plus ; essaie le monde… Emporte une de mes plumes pour rester sous l’ombre de ma puissance, et si jamais on te met en danger, jette cette plume dans le feu ; je viendrai aussitôt, comme un nuage noir, pour te porter sain et sauf en ce lieu. Ne laisse pas effacer de ton cœur ton amour envers ta nourrice, car mon ame te porte un amour qui me brise le cœur. »

Zal, retrouvé par son père et investi du royaume de Seistan, devient amoureux de la fille de Mihrab, roi de la race de Zohak l’Arabe, et auquel tout le pays de Kaboul appartenait. Que veulent dire ces paroles ? Des tribus sémitiques auraient-elles jamais été maîtresses de ces contrées ? En ce cas, la tradition poétique aurait conservé le souvenir de faits entièrement oubliés par l’histoire. Zal s’éprend de la fille du roi Mihrab au simple récit de ses charmes ; de son côté, la belle Roudabeh, entendant son père louer les qualités héroïques de Zal, est possédée soudain par une violente passion. Elle dit à ses esclaves « Sachez que je suis folle d’amour, comme la mer en fureur qui jette ses vagues vers le ciel. » En vain les esclaves s’étonnent qu’elle veuille presser contre son sein celui qui fut élevé sur la montagne par un oiseau, et qui a des cheveux blancs comme ceux d’un vieillard. Elle répond : « Mon cœur s’est égaré sur une étoile, comment pourrait-il se plaire avec la lune ?… » Les esclaves de l’amoureuse