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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/463

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LE SCHAH-NAMEH.

fils de Pelée ; son corps est invulnérable, sauf en un point où la mort doit le frapper. Enchaîné impitoyablement par son père, quand on vient le chercher pour aller guerroyer, il refuse ; et on le décide à combattre en lui apprenant la mort d’un ami qui était le Patrocle de cet Achille. Mais ce héros, si brillant qu’il soit, doit tomber sous les coups de Rustem. Le vieux roi a promis à Isfendiar de lui abandonner le sceptre et la couronne ; pressé par l’impatience de son fils, il se décide à lui ordonner d’accomplir un exploit périlleux, d’aller s’emparer de Rustem, et de l’amener chargé de liens. Le héros, sous le poids d’un pressentiment sinistre, entreprend, malgré les craintes de sa mère, cette expédition, dont il comprend le vrai motif, et dont il prévoit le triste dénouement.

Arrivé dans le Seistan, patrie de Rustem, Isfendiar envoie vers lui son fils Bahman et dix mobeds pour lui faire part des ordres du roi et l’engager à s’y soumettre. Le jeune envoyé arrive sur une montagne, au lieu où se plaisait à chasser le héros du Seistan, et de là découvre un homme « qui, par sa taille, ressemblait au mont Bisoutoun. Il tenait, en guise de massue, un tronc d’arbre, avec lequel il avait tué un âne sauvage ; il portait sa proie vers le feu sans effort, comme si c’eût été un oiseau. » Ce géant était Rustem. Rustem embrasse le fils d’Isfendiar, et, avant d’entendre son message, l’invite à manger avec lui. Ceci est dans les mœurs homériques et dans les mœurs de l’Orient.

Rustem mange comme un lion et quand Bahman a fait son message, il reçoit cette réponse : « Personne ne m’a jamais chargé de liens… Mais viens vers moi avec ton armée, nous passerons deux mois ensemble, vivant joyeusement ; nous chasserons et banquetterons ; je t’instruirai dans l’art de la guerre, car tu es jeune et je suis vieux. (Rustem a déjà vécu sept siècles.) Quand tu voudras me quitter, je t’ouvrirai mes trésors et t’accompagnerai moi-même vers le roi, afin que la haine s’éloigne de son ame. »

Isfendiar répond qu’il ne peut se dispenser d’obéir à son père, mais il ajoute : « Dieu m’est témoin, ô homme pur ! que mon cœur saignera de te voir porter des liens. Le roi m’a promis la couronne ; dès que je l’aurai placée sur ma tête, je te renverrai avec des présens dans ta patrie. »

Aucun des deux ne peut céder avec honneur : il faut donc combattre. En attendant, Rustem s’assied à la droite d’Isfendiar sur un siége d’or, et ils se livrent ensemble à la joie du festin. Les deux guer-