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REVUE DES DEUX MONDES.


Scène V.


GABRIEL, devant la glace ; ASTOLPHE, rentre doucement.
ASTOLPHE, à part.

La malheureuse m’avait menti ! elle ira avec Antonio ! — Je ne voudrais pas que Gabriel sût que j’ai fait cette sottise ! (Après avoir fermé la porte avec précaution, il se retourne et aperçoit Gabriel qui lui tourne le dos.) Que vois-je ! quelle est cette belle fille ?… Tiens ! Gabriel !… je ne te reconnaissais pas, sur l’honneur ! (Gabriel, très confus, rougit et perd contenance.) Ah ! mon Dieu ! mais c’est un rêve ! que tu es belle !… Gabriel, est-ce toi ?… As-tu une sœur jumelle ! ce n’est pas possible… mon enfant !… ma chère !…

GABRIEL, très effrayé.

Qu’as-tu donc, Astolphe ? tu me regardes d’une manière étrange.

ASTOLPHE

Mais comment veux-tu que je ne sois pas troublé ? Regarde-toi. Ne te prends-tu pas toi-même pour une fille ?

GABRIEL, ému.

Cette Périnne m’a donc bien déguisé ?

ASTOLPHE

Périnne est une fée. D’un coup de baguette elle t’a métamorphosé en femme. C’est un prodige, et si je t’avais vu ainsi la première fois, je ne me serais jamais douté de ton sexe… Tiens ! je serais tombé amoureux à en perdre la tête !

GABRIEL, vivement.

En vérité, Astolphe ?

ASTOLPHE

Aussi vrai que je suis à jamais ton frère et ton ami, tu serais, à l’heure même, ma maîtresse et ma femme si… Comme tu rougis, Gabriel ! mais sais-tu que tu rougis comme une jeune fille ?… Tu n’as pas mis de fard, j’espère ? (Il lui touche les joues.) Non !… Tu trembles ?

GABRIEL

J’ai froid ainsi, je ne suis pas habitué à ces étoffes légères.

ASTOLPHE

Froid ! tes mains sont brûlantes !… Tu n’es pas malade ?… Que tu es enfant, mon petit Gabriel ! ce déguisement te déconcerte. Si je ne savais que tu es philosophe, je croirais que tu es dévot, et que tu penses faire un gros péché… Oh ! comme nous allons nous amuser ! tous les hommes seront amoureux de toi, et les femmes voudront,