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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/539

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LES ÎLES SANDWICH.

versa la mer et alla trouver son compétiteur. Celui-ci, plein d’admiration pour une si noble confiance, le reconnut comme son souverain. Ce fut Rio-Rio qui abolit l’ancien culte, auquel Tamea-Mea, par conviction ou par politique, n’avait jamais voulu qu’on portât la moindre atteinte. Rio-Rio abolit également le tabou. À cette époque, les missionnaires commencèrent à exercer une grande prépondérance. Cette prépondérance n’eut plus de bornes à la mort de Rio-Rio, qui, en 1824, alla mourir en Angleterre. Kaahou-Manou, femme de Tamea-Mea, et régente pendant la minorité de Kauikeaouli, porta dans la pratique de sa nouvelle religion un zèle qui alla jusqu’au fanatisme, et se laissa entièrement guider par les missionnaires.

À la mort de Kaahou-Manou, Kinao, sa fille, qui lui succéda dans la régence des îles Sandwich, dominée par le même ascendant, adopta aveuglément toutes les mesures qui lui furent dictées par la mission, et l’autorité des missionnaires fit loi dans le pays. J’ai déjà dit que la majorité de Kauikeaouli n’apporta aucun changement à ce système. Habitué à plier sous la volonté de sa sœur, il n’a pas jusqu’à ce jour fait acte de pouvoir. Cependant son aversion bien connue pour les innovations, quelques velléités d’indépendance qu’on crut reconnaître en lui, firent naître chez les chefs du parti de la régente l’idée de l’enlever d’Oahou, et de le transporter à Mawi, l’île du groupe la plus dévouée au nouveau système. Kauikeaouli fut instruit de ce projet par le départ presque simultané de tous ses serviteurs. Dans cette circonstance critique, il s’adressa aux étrangers résidant à Honolulu : ceux-ci lui promirent de le soutenir, et leur résolution, bien connue du parti opposé, fit avorter le projet. Kauikeaouli peut donc trouver, quand il voudra ou saura en faire usage, de grands élémens de force dans l’appui que lui prêteront les étrangers. Ceci se passait en 1832. À cette époque parurent deux documens ou proclamations, l’une de Kinao et l’autre de Kauikeaouli, qui atteignait alors l’époque de sa majorité. Ces deux pièces, imprimées en hawaiien, étaient une espèce de déclaration de leurs droits respectifs mais, de la part de Kauikeaouli, ce ne fut qu’une vaine formule, et il retomba bientôt sous le joug de sa sœur.

Peu de temps après, l’idée fut suggérée, on ne sait par qui, à Kauikeaouli d’entreprendre la conquête des nouvelles Hébrides. Son intention, dit-on, était, en cas de réussite, d’abandonner les îles Sandwich avec toute sa cour et d’aller fonder un nouveau trône dans le pays conquis. Deux bricks furent consacrés à cette expédition : Boki, un des généraux de Tamea-Mea et gouverneur de Oahou, dut la commander ; mais l’entreprise fut on ne peut plus malheureuse ; un des bricks, à bord duquel se trouvait Boki, fut entraîné au large par un fort coup de vent du sud, et on n’en a jamais eu de nouvelles. L’équipage du second brick, l’Harrietta, au nombre de plus de cent hommes, périt tout entier victime d’une épidémie, avant d’être parvenu à sa destination ; on fut obligé d’envoyer un nouvel équipage d’Honolulu pour ramener le brick des îles Viti ou Fidji, où il avait été abandonné.

Aujourd’hui les choses sont à peu près au même point qu’en 1832. Kaui-