Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/589

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
585
REVUE. — CHRONIQUE.

principe de la propriété, au principe religieux, aux mœurs de famille, et des partisans du gouvernement populaire, de la communauté des biens, du culte philosophique de l’Être suprême ; en un mot, cette alliance avec les ennemis mortels de tout ce que le parti légitimiste voudrait voir rétablir. À ce sujet, M. de Romand s’est trouvé en butte à de vives récriminations. On s’en est pris à son style, qui est très net, à ses principes, qui sont ceux d’un bon citoyen, et à sa conduite, qui est celle d’un homme courageux, lequel énonce loyalement une pensée juste et honnête. Ce n’est pas que tout le parti légitimiste ait désapprouvé M. de Romand. Il a recueilli, au contraire, de hautes et nombreuses approbations, et celle de M. de Châteaubriant a pu le consoler des reproches d’apostasie que lui adressent la Quotidienne et la Gazette. Une grande polémique s’est élevée, en outre, au sujet de la brochure de M. de Romand, entre les feuilles légitimistes et quelques-unes de celles qui, sous différentes nuances, défendent la monarchie de juillet. On ne convertira pas les feuilles légitimistes. Que deviendrait leur importance, si le parti légitimiste, conservant sa fidélité et ses principes conservateurs, se bornait à protester contre ce qui choque ses principes, et refusait de travailler à l’établissement de la restauration future, en passant avec la Gazette par les institutions démagogiques, ou en dénigrant indistinctement, avec la Quotidienne, tout ce qui se fait en France depuis dix ans ? Est-ce que les royalistes qui partagent les opinions de M. de Châteaubriant, voulaient rétablir en France les états-généraux et reculer de quelques siècles, et les hommes d’état royalistes qui ont paru aux affaires depuis 1814 jusqu’au ministère de M. de Polignac, étaient-ils, par hasard, sur la ligne des opinions de la Quotidienne ? Non certes ; et de même qu’on a dit que les partis se démoralisent dans les émigrations, on peut dire aussi qu’ils se dénaturent quand ils se tiennent dans un ilotisme volontaire, qui est une sorte d’émigration au milieu du pays. Avant de songer à rétablir la restauration, ce rêve impraticable, le parti légitimiste fera bien de se restaurer lui-même, et de redevenir ce qu’il était quand ses hommes les plus distingués, soumis à la Charte, n’avaient pas admis le divorce des idées royalistes et des sentimens constitutionnels du pays. C’est là ce que propose M. de Romand, et le moyen d’y parvenir n’est pas de frayer avec les partisans de la convention nationale ou de la république fraternelle de Babeuf, mais de prendre franchement part aux progrès sociaux de la France, de travailler à la rendre plus grande et plus forte, au lieu de l’affaiblir par d’hypocrites déclamations ou par d’audacieux appels à ses ennemis. Il est vrai qu’en agissant ainsi, le parti légitimiste renverserait quelques influences, et diminuerait l’importance de quelques hommes dont le talent consiste à le tenir isolé du reste du pays ; et c’est là ce qui excite la grande colère que nous avons vu se manifester au sujet de la brochure de M. de Romand. Le Pélerinage à Goritz n’excitera pas de semblables irritations. Les idées de M. de La Rochefoucault ne sont pas de celles qui jettent le trouble dans un parti, et ceux qui prétendent diriger le parti légitimiste s’accommodent bien mieux d’un culte aveugle et d’une religieuse vénération, que des vues d’une raison saine, qui veut qu’on soit de son temps et surtout de son pays.