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LE SCHAH-NAMEH.

du fantôme sacré de Bagdad, s’inaugurait elle-même, en faisant passer dans l’idiome vivant et populaire les souvenirs de la Perse antique.

Il en fut de même de la dynastie des Samanides qui remplaça bientôt la famille de Jacoub Leis. Cette dynastie, qui descendait des anciens rois de Perse, fit mettre en vers la traduction de l’ouvrage de Danischwer, qui avait été écrite en prose par ordre du fondateur des Soffarides, et l’on choisit pour cette œuvre un poète guèbre, Dakiki. Celui-ci n’eut le temps d’exécuter qu’une bien petite partie de sa tâche : il écrivit deux mille vers que Firdousi a conservés, tout en traitant fort mal Dakiki sous le rapport poétique. Cela n’en prouve que mieux, comme le remarque M. Mohl, que les deux poètes connaissaient et suivaient la même tradition ; car Firdousi « ne lui reproche rien à ce sujet, malgré l’amertume avec laquelle il critique en lui l’homme et le poète. — Enfin Mahmoud, le second roi de la dynastie des Ghaznévides, se sépara encore plus du kalifat, dit M. Mohl, que n’avaient fait ses prédécesseurs, et, quoique musulman fanatique, il ne négligea rien de ce qui pouvait fortifier son indépendance politique. La langue persane fut cultivée à sa cour avec une ardeur jusque-là inouie ; elle pénétra même dans l’administration où son visir abolit l’usage de l’arabe. La cour du prince le plus puissant et le plus guerrier de son temps était une véritable académie, et tous les soirs il se tenait au palais une assemblée littéraire, où les beaux esprits récitaient leurs vers et en discutaient le mérite, en présence du roi qui y prenait un vif plaisir. Mahmoud, comme les princes ses prédécesseurs, s’intéressait avant tout aux poésies nationales et historiques, et ne se lassait pas de se faire raconter les traditions concernant les rois et les héros de la Perse ancienne.

Ce prince avait conçu le désir de faire mettre en vers une collection complète de ces traditions ; il s’adressa, dans ce dessein, à plusieurs poètes de son temps, sans en trouver un qui lui parût complètement propre à ce grand travail. Enfin il en chargea Aboulkasim Firdousi.

Nous voici donc arrivé à Firdousi lui-même. Firdousi fut choisi par Mahmoud le Ghaznévide, comme d’autres l’avaient été, avant lui, par les Soffarides et les Samanides. Il fit à son tour un Livre des Rois, comme d’autres avaient composé le leur ; il le fit avec les mêmes matériaux, dans le même esprit. La beauté de son imagination et de son langage, l’harmonie que les Persans trouvent dans ses vers, ont fait vivre son poème, tandis que les essais qui l’avaient