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À Athènes, les auteurs de la comédie nouvelle se jetèrent plus souvent qu’on ne l’a cru au milieu des débats de la politique intérieure. Euphron, dans sa comédie intitulée les Muses, traitait Chorydus et Phyromachus de sangsues publiques. Timoclès, dans une pièce dont il nous reste un précieux fragment, passe en revue tous les orateurs qui s’étaient laissé corrompre par l’argent d’Harpalus, à commencer par Démosthène[1]. Pour donner à Démétrius Polyorcète le moyen d’être initié aux petits et aux grands mystères sans éprouver les délais d’usage, le gouvernement d’Athènes avait eu la lâcheté puérile de changer le nom des mois sur la motion d’un orateur vénal, nommé Stratoclès. À ce sujet, Philippide, qui était du parti de Lysimaque, dit dans une de ses comédies : « C’est ce Stratoclès qui a trouvé le moyen de renfermer dans un seul mois toute l’année[2] ; » et s’indignant du séjour que Démétrius avait osé faire dans le Parthénon : « Cet homme, dit-il, a pris l’Acropole d’Athènes pour une hôtellerie ; il a osé loger ses concubines dans le sanctuaire de notre vierge ! » Philippide reprocha encore à Stratoclès d’avoir proposé de rendre à un mortel (à Démétrius) des honneurs qui ne sont dus qu’aux dieux. « C’est ce démagogue, ajoutait-il, qui ruine l’autorité du peuple, et nullement la comédie, comme il voudrait le faire croire[3]. » On voit que l’on craignait alors le théâtre, qu’on le calomniait, qu’on l’opprimait sans doute ; mais on ne le censurait pas.

Parmi les précautions que le pouvoir public prit à Athènes contre les excès de la muse comique, il en est quelques-unes qui semblent au premier coup d’œil avoir un caractère préventif, et qu’il nous faut examiner avec attention.

On peut conclure d’un passage du scholiaste d’Aristophane qu’on étendit aux poètes de la comédie ancienne la loi qui exigeait à Athènes que tout citoyen, pour prendre la parole dans l’assemblée publique, eût atteint l’âge de trente et, suivant d’autres, de quarante ans[4]. Comme les parabases étaient de véritables motions politiques, il parut naturel d’exiger des poètes les mêmes garanties que des orateurs. Les auteurs tragiques, qui usaient rarement,

  1. Timocl., In Delo, ap. Athen., lib. VIII, pag. 341 E. — Timoclès est classé parmi les poètes de la comédie moyenne ; mais la chronologie théâtrale et un passage de Pollux (lib. X, § 154) permettent de le compter aussi parmi les poètes de la nouvelle.
  2. Plutarch., Demetr., cap. XXVI.
  3. id., ibid., cap. XII.
  4. Schol., In Aristoph. Nub., v. 530.