Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/696

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.




SALERNE ET PŒSTUM.

Des voyageurs qui se copient et qui répètent ce que d’autres ont dit, au lieu de chercher à se rendre bien compte de leurs propres impressions, nous peignent tout le pays qui environne Naples comme une sorte de paradis terrestre : il ne faut pas les croire sur parole. De Caserte et de Capoue à Naples la campagne est d’une rare fertilité, mais sa fertilité même la rend monotone. On marche pendant des heures entières entre une double muraille de verdure, au-dessus de laquelle on entrevoit de temps à autre la cime bleue d’une montagne lointaine. Point d’échappées de vue, point d’horizon, toujours la même vigne mariée aux mêmes ormeaux. Toutes ces routes de la plaine sont nouvellement plantées, et je ne sais à quel propos on a badigeonné en blanc, de deux en deux, les arbres nains qui les bordent, ce qui ajoute peu à l’agrément du paysage.

D’autre part, la côte de Pausilippe a été beaucoup trop vantée. Les lignes en sont pauvres, sans mouvement, et d’un parallélisme trop prolongé ; la végétation y est nulle, et les constructions y sont trop nouvelles et trop régulières. La mer seule, qui baigne les rochers dont la base de la côte est hérissée, et qui pénètre dans leurs sombres cavités, la mer seule a conservé son admirable transparence et son éternelle beauté.

De la pointe de Pausilippe à l’extrémité du cap Misène, s’étendent les côtes de Pouzzole et du golfe de Baia, ces côtes désolées par les tremblemens de terre et le mauvais air ; leur courbure autour de la baie est gracieuse, mais le sol, dépouillé de végétation, n’offre de toutes parts que rochers, cendres et ruines. Ceux qui vantent encore la beauté de ces côtes ne peuvent donc le faire que par une sorte de réminiscence et de scrupule classique. Après deux mille ans, ils se sont cru obligés de répéter avec Horace :

« Nullus in orbe sinus Baiis prælucet amænis. »