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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/726

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REVUE DES DEUX MONDES.

Cette médiation s’est exercée, ce nous semble, dans des termes assez honorables pour la France, et nous ne voyons pas pourquoi on hésiterait à avouer qu’elle a eu lieu. La France n’a-t-elle pas fait respecter le blocus qu’elle avait établi devant la côte du Mexique, et n’a-t-elle pas rempli tous les devoirs que lui commandaient sa dignité et sa position de grande puissance, en exigeant l’éloignement de l’escadre anglaise, et en repoussant toute médiation étrangère avant de s’être emparée de la place la plus importante du Mexique, de la clé de toute la contrée ? Une médiation ne constitue jamais qu’un ministère officieux, une médiation n’engage à rien ceux qui l’acceptent, et l’on voudra bien remarquer que, dans tous les cas, le rôle d’arbitre était dénié à l’Angleterre. Quel a donc été le but de M. Teste en disant à la chambre qu’il n’y avait pas eu de médiation, mais arbitrage d’une puissance tierce au sujet de la question des indemnités à accorder aux sujets français ? Un ministre qui prend la parole sur les affaires étrangères ne peut ignorer le contenu des instructions et des dépêches ministérielles, et M. Teste devait savoir que le refus d’accepter la médiation de l’Angleterre n’avait été prescrit que pour certains cas qui ne se sont pas présentés, comme, par exemple, celui où nos marins n’auraient pu s’emparer du fort de Saint-Jean-d’Ulloa. L’amiral Gaudin était donc dans les limites de ses instructions, comme le dit M. Teste, quand il déclina la médiation d’une puissance tierce ; mais ce que M. Teste a omis de dire, c’est que l’amiral restait encore dans les limites de ces mêmes instructions, quand il accepta la médiation d’une puissance tierce, après avoir pris la citadelle de la Véra-Cruz.

Il y a donc eu médiation, et là-dessus c’est dans le discours de la reine d’Angleterre, et non dans celui de M. Teste, qu’il faut chercher la vérité. En même temps, il y a eu proposition et acceptation d’un arbitrage, mais seulement en ce qui touche à la question des indemnités. Cet arbitrage a été fixé par les conventions additionnelles au traité du 9 mars, que le Moniteur appelle aujourd’hui de simples déclarations échangées entre les plénipotentiaires. Déclarations ou conventions, ces actes supplémentaires au traité en font véritablement partie, et le gouvernement n’avait aucun motif de ne pas les publier, puisqu’il a publié le traité. En écartant le mot de conventions, en évitant de donner de la publicité à ces articles, le gouvernement semble douter de leur exécution. Or, il n’est qu’un seul de ces articles qui ne porte pas avec lui un caractère définitif, c’est celui des indemnités, puisqu’un arbitre, à choisir par la France, doit décider à ce sujet. On nous annonce que le gouvernement français a proposé au roi de Prusse de se charger de cet arbitrage. On ne peut désapprouver ce choix, mais on doit se demander pourquoi le ministère, par l’organe de M. Teste, a voulu dissimuler à la chambre la médiation qui a eu lieu de la part de l’Angleterre. Cette politique est peut-être très profonde, mais nous avouons que nous ne la comprenons pas.