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Je n’ai pas dessein de rappeler les faits de ces campagnes ; ils sont bien connus et ont été controversés de toutes les manières par les écrivains militaires des deux nations. On sait que les Espagnols et les Portugais furent défaits par nos généraux dans toutes les affaires qui eurent lieu, et que nos soldats, à qui leur audace et leur gaieté tenaient lieu de tout, donnèrent partout la victoire au drapeau français, quoique dépourvus des choses les plus nécessaires, et la plupart mourant de faim et de misère. Sans souliers et sans vivres, au milieu des vallées les plus fertiles de l’Espagne, ils ne prenaient pas moins les villes et les places fortes, et montaient à l’assaut en chantant, comme à l’escalade de Jaën, où ils entonnèrent la chanson de Roland.

La bataille de Baylen mit fin à cet état de choses. Le refus d’exécuter la convention faite en faveur des troupes françaises, refus dont les chefs des forces navales anglaises, lord Collingwood et sir Hew Dalrymple, à qui la junte s’était adressée, prirent la responsabilité par leur décision, obligea bientôt l’Angleterre à s’immiscer plus directement dans les affaires de la Péninsule. Ce fut alors que sir Arthur Wellesley, depuis duc de Wellington, mit à la voile de Cork pour la Corogne. Quoique chef d’une expédition importante, il avait pour instructions d’éviter, autant que possible, de se mêler des actes du gouvernement provisoire. En même temps, il était autorisé à annoncer aux Espagnols et aux Portugais que les secours de l’Angleterre étaient donnés dans un but entièrement désintéressé. On voit qu’en donnant à son général de pareilles instructions, dictées par une certaine prudence, le gouvernement anglais lui préparait déjà tous les embarras qu’il eut dans la suite, et que révèlent toutes les pages de sa correspondance.

Qui ne sait la vie militaire du duc de Wellington ? Né au château de Dengan en Irlande, envoyé très jeune encore en France, au collége militaire d’Angers, entré comme enseigne, à dix-huit ans, dans le 4e régiment, et arrivé rapidement, par la position de sa famille et par sa fortune, à un grade supérieur, le troisième des fils du comte de Mornington n’eut pas à passer par les misères et le laisser-aller de la vie subalterne des camps, vie qui forme le corps aux habitudes militaires, mais qui, prolongée, peut nuire plus tard, dans les esprits ordinaires, à l’élévation des pensées qui doivent être le partage des chefs. En revanche, les difficultés du commandement ne lui manquèrent pas dès son début. Il était déjà lieutenant-colonel quand il entra au service de la compagnie des Indes, et les protections de son frère, devenu gouverneur-général des Indes orientales, ayant valu au