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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

arrière, et se trouvait, vers la fin du règne de Louis XVI, l’humble et obscur collaborateur du ministre de la guerre. La marche rapide que prit alors la révolution le mit bientôt en première ligne, et son esprit, si long-temps contenu dans les situations inférieures, prit son essor. Devenu ministre, Dumouriez rêvait déjà les grands projets que réalisa Napoléon. Il voulait étendre la France aux Alpes, au Rhin, aux Pyrénées, à la mer. Dumouriez avait embrassé avec sincérité le régime de la constitution. Franc, ouvert, spirituel, sa présence au pouvoir sembla un moment annoncer un meilleur avenir. Reconnaissant de la confiance que lui avait montrée Louis XVI, il sut cependant encourir les mécontentemens de la famille royale, en insistant sur l’accomplissement des devoirs constitutionnels du roi. Respecté dans l’assemblée législative à cause de son éloquence facile, de son sang-froid, de ses talens militaires, il eut le noble courage de se perdre en combattant son collègue Roland, dont il partageait l’opinion, mais qui avait divulgué, dans l’intérêt de sa popularité, les secrets du conseil. Plus tard, Dumouriez sauva la France, et chassa les étrangers de notre sol. Ainsi, pendant vingt-cinq ans et plus, on avait vu Dumouriez fidèle à la patrie, à l’honneur, épris d’amour pour la France, travaillant, encore obscur et dans sa jeunesse, à la fortifier, et plus tard, dans son âge mûr, on le vit à la tête du gouvernement, encore uniquement occupé de sa grandeur et de sa gloire. L’horreur que lui inspirèrent les excès de la révolution l’entraîna dans une faute qu’il ne cessa dès-lors d’aggraver jusqu’à la fin de sa vie. Voulant tout à coup terminer des désordres et des crimes qui épouvantaient l’honnêteté de son ame, Dumouriez crut que le but légitimait les moyens, et l’indignation, les sentimens les plus nobles, lui firent commettre l’action qui a justement terni sa mémoire. Dumouriez a souvent essayé, dans l’émigration, de justifier sa conduite ; ses écrits avaient produit une certaine impression sur les esprits indulgens qui faisaient la part des circonstances cruelles où il s’était trouvé, de l’injustice éclatante qu’il avait subie au moment même où il assurait l’indépendance de son pays ; mais les révélations qui ont eu lieu successivement, depuis quelques années, ne permettent pas d’absoudre Dumouriez, et de pardonner au vainqueur de Jemmapes le mal qu’il a tenté de faire à la France. Il n’est pas de jour, en effet, où la haine que Dumouriez avait conçue contre les différens gouvernemens de la révolution, et dans laquelle il enveloppait son pays, ne se révèle par quelque circonstance nouvelle. Dans nos différentes guerres, il était rare que nos troupes s’empa-