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REVUE. — CHRONIQUE.

La petite cour du prince s’est dispersée ; la plupart de ses ministres se sont jetés en France, et Bayonne est remplie de réfugiés carlistes. Cependant don Carlos a conservé autour de lui quelques mille hommes, et la guerre civile peut se prolonger quelque temps encore, surtout si l’attitude des cortès entretient l’inquiétude dans les esprits sur la question des fueros. C’est une belle occasion pour le ministère français de faire agir à Madrid toute l’influence qu’il peut y posséder, afin de déterminer le gouvernement et les cortès à ratifier les arrangemens conclus par Espartero ; car on peut malheureusement craindre que le parti exalté, qui domine dans le nouveau congrès espagnol, ne fasse, au sujet des fueros, de la métaphysique constitutionnelle, au lieu de décider la question par le grand principe des nécessités politiques. Quelle a été l’intention de M. Olozaga, un des chefs de ce parti, quand il est monté à la tribune, le jour même où l’on apprenait à Madrid les heureux évènemens du Guipuzcoa, pour y demander le maintien du régime constitutionnel dans toute sa pureté ? Et le ministre de la guerre ne s’est-il pas trop hâté de donner, sans autre explication, son adhésion absolue à une déclaration pareille dans une pareille bouche ? Ce qui est certain, c’est que les deux provinces comprises dans la transaction sont en proie à une vive anxiété, que les émissaires de don Carlos ne négligent rien pour agiter les esprits, et que si les fueros n’étaient pas reconnus par les cortès, il y aurait une nouvelle levée de boucliers. Espartero, il est vrai, se trouve maître de plusieurs positions importantes, et jamais la cause carliste, quoiqu’en disent ici, avec leur merveilleux optimisme, les journaux légitimistes, ne se relèvera du coup qu’elle vient de recevoir. Mais les cortès commettraient une bien grande faute si, par une aveugle obstination, ils retardaient la soumission de l’Alava et de la Navarre, et relevaient le drapeau de la révolte dans les provinces soumises. Nous le répétons donc : c’est un devoir pour le gouvernement français de prévenir un tel malheur, et de hâter par tous les moyens possibles la fin de la guerre civile d’Espagne. Il y paraît tout disposé ; nous croyons même savoir qu’un agent confidentiel vient de partir à cet effet.

Quoi qu’il en soit, la guerre civile d’Espagne marche à un prompt dénouement. Don Carlos est acculé à la frontière de France, avec quelques bataillons en désordre, et on peut s’attendre à le voir bientôt passer sur le territoire français, où tout est prêt pour le recevoir.

La contre-révolution de Zurich a vivement occupé les esprits. Il est toujours fâcheux que la démocratie des campagnes ait plus de puissance que de lumières, et qu’elle puisse opprimer ainsi des magistrats et une bourgeoisie qui devraient au contraire la conduire dans la pratique de la liberté. C’est la souveraineté du peuple entendue et appliquée dans le sens le plus immédiat. La violation du droit a été tellement flagrante, qu’elle a été l’objet d’un blâme formel de la part de deux journaux de l’opposition, du Courrier Français et du Siècle. Ce dernier a saisi cette occasion d’exprimer ce vœu si raisonnable, que les droits politiques ne fussent jamais répartis que dans la mesure des lumières acquises. C’est toujours à ce point qu’il en faut revenir