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de l’indépendance, un asile assuré, on y arrive de partout, et Syra devient un des plus grands entrepôts du Levant. Plus tard, ces mêmes hommes, dont les misères ont fait la richesse de Syra, trouvent-ils ou pensent-ils trouver quelques avantages à aller ailleurs, ils partent et se rendent, soit au Pyrée, comme un certain nombre de Sciotes et d’Hydriotes, soit à Érétri, dans l’île d’Eubée, comme l’ont fait quelques Ipsariotes. Ce sont des équipages qui changent de vaisseaux pour en prendre de meilleurs.

Parmi les populations des trois îles principales, on distingua plus particulièrement les Hydriotes. Les élémens du commerce ne consistaient pas seulement pour eux dans l’argent et l’intelligence, ils y joignaient la probité. Si je parle au passé, c’est que la population d’Hydra, en tant que population maritime, n’existe plus : ses élémens sont trop divisés pour faire corps.

Les marins d’Hydra ne mettaient en usage ni les connaissemens[1], ni aucune de ces précautions au moyen desquelles le commerce cherche à prévenir le vol ou la perte des marchandises. Dès qu’un capitaine hydriote annonçait qu’il allait faire un armement, ceux de ses compatriotes qui voulaient y prendre part lui envoyaient leurs capitaux. « Le capitaine ne donnait pas de reçu, puisqu’il ne savait pas écrire (dit M. Thiersch, un des auteurs qui ont le mieux parlé de la Grèce), on ne lui en demandait même pas, et souvent on laissait l’argent à la femme, et même à la servante, si le maître n’était pas chez lui. »

La fortune d’Hydra fut brillante, plus brillante que celle de toutes les autres îles. On trouvait à Hydra toutes les commodités de la vie et le luxe le plus recherché. L’île comptait trois mille maisons en marbre taillé, dont quelques-unes avaient coûté plus de 300,000 francs. Aujourd’hui ces maisons sont abandonnées.

Une circonstance dont on ne se rend pas compte au premier moment, c’est que, pendant qu’Hydra se dépeuple, Spetzia, sa voisine, qui n’est pas mieux située qu’elle, s’enrichit et prospère. Cela vient, dit-on, de ce que toutes les fortunes d’Hydra avaient fini par se concentrer dans quelques mains seulement, tandis que celles de Spetzia étaient plus généralement répandues. À l’époque de la paix avec la Turquie, la richesse des familles d’Hydra ne fut pas suffisante pour y rappeler des marins qui trouvaient à gagner leur vie autre part. Quelques-unes des familles riches prirent le parti de s’expatrier, soit pour aller faire le commerce ailleurs, soit pour jouir de leurs revenus. À Spetzia, au contraire, presque tout le monde ayant quelques épargnes, on se réunit, et l’on construisit des navires dans lesquels l’un avait un dixième, l’autre un quinzième d’intérêt, etc.

Autrefois les Hydriotes ne louaient jamais leurs services ; c’était le peuple le plus fier de toute la Grèce continentale ou insulaire ; maintenant il n’en est pas ainsi : la misère a fait plier leur fierté.

  1. Le connaissement est la lettre de voiture maritime.