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LA MARINE MARCHANDE GRECQUE.

l’augmentation de ses dépenses, par suite des prix plus élevés qu’il paie pour le fret des objets à transporter, est obligé de revenir sur la mesure que lui avaient inspirée les intérêts français ; car c’est aussi un intérêt français que l’intérêt du contribuable.

Je n’ai pas l’intention de traiter ici la question du recrutement de l’armée navale ; je me propose seulement d’indiquer le moyen d’arracher, autant que possible, aux pavillons étrangers le transport d’un certain nombre de produits que nos lois de douane n’ont pas réservés au pavillon français, et que livre à nos concurrens la franchise du port de Marseille.

Ce n’est assurément pas exagérer que d’évaluer à deux cent cinquante, année moyenne, le nombre des navires, autrichiens, sardes, napolitains et grecs, qui portent à Marseille des denrées récoltées dans des pays autres que ceux auxquels ces navires appartiennent. Or, ces deux cent cinquante navires emploient au moins trois mille matelots, et, comme ce sont des matelots étrangers, la marine militaire de France n’a aucune action sur eux. Resterait à savoir s’il ne vaudrait pas mieux que trois mille marins français gagnassent ce que gagnent avec nous ces marins étrangers, dût la marine militaire renoncer à son droit sur eux. Dans l’un comme dans l’autre cas, la flotte ne profiterait pas de ces hommes ; mais l’argent que la France paie à des étrangers serait gagné par des Français.

Des hommes et des navires à bon marché, voilà le problème à résoudre ; sans cela nous nous trouverons toujours dans des conditions d’infériorité relativement à nos voisins, et surtout relativement aux Grecs.

Pour construire à bon marché, il faut renoncer à notre luxe d’installation, et peut-être à une partie de notre luxe de solidité ; il faut, à l’imitation même des peuples du nord qui naviguent dans des mers si mauvaises, employer dans nos constructions plus de sapin que nous n’en employons ; il faut, comme les Grecs, remplacer les voiles en fil de chanvre par des voiles en fil de coton ; au lieu de faire venir les bois de construction à Marseille, il faut faire construire les navires de Marseille là où se trouvent les forêts qui produisent les bois. Si l’on accordait au commerce français la faculté de faire construire des navires à l’étranger, il userait sans doute, au moment même, de cette faculté, et il appellerait peut-être cela de la liberté commerciale, parce qu’en Prusse, en Russie, etc., les constructions reviennent moins cher que chez nous. Mais, chose singulière ! il y a dans un de nos départemens, en France par conséquent, tous les élémens d’une construction qui ne serait pas plus chère peut-être qu’en Prusse ou en Russie, et personne ne pense à mettre tant d’avantages à profit ! Ce département, c’est la Corse. Là, le bois est à très bon marché : il y a du chêne pour les membrures, et du sapin pour la mâture et pour les bordages ; là, le minerai de l’île d’Elbe peut être converti en fer avec les branchages de l’arbre qui servirait à faire le navire ; là, s’offrent toutes les ressources des pays les plus favorisés. Construisons donc des navires en Corse, et nous n’aurons plus à nous occuper que de trouver des matelots consentant à servir sur ces