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qu’il le pressait par tant de promesses tirées des psaumes, qu’il semblait assuré que tout ce qu’il demandait allait arriver[1]. »

On proposait, dans le conseil de Charles-Quint, soit de revenir à l’édit de Worms, soit de faire juger la confession par des personnes impartiales et de laisser la décision à l’empereur, soit enfin d’en faire dresser la réfutation ; après quoi l’empereur prononcerait.

De ces trois avis, aucun ne prévalut pour le moment. On essaya d’une autre politique. On imagina de demander aux réformés s’ils avaient l’intention de soumettre à l’empereur plus d’articles que n’en contenait la confession. S’ils disaient non, on devait leur répondre : Donc vous retirez ou pensez qu’il faut retirer ce que vous passez sous silence. S’ils avouaient qu’ils réservaient en effet plusieurs articles : Les controverses n’auront donc pas de fin ? leur répondrait-on. En outre, on voulait leur poser une seconde question : Accepterez-vous l’empereur pour juge ? S’ils ne l’acceptaient pas, tout rentrerait dans l’ancien état jusqu’au prochain concile.

Tous ces piéges étaient grossiers. Les réformés, avertis d’avance par des indiscrétions probablement amies, avaient concerté leur réponse. À la première demande, ils dirent qu’ils n’avaient pas plus l’intention de dissimuler les points omis dans la confession que de les soulever ; que s’il plaisait aux catholiques de les soulever, leurs explications étaient prêtes. Cette conduite était habile ; elle rejetait sur les catholiques tout l’odieux d’avoir suscité des questions inutiles. Quant à la seconde question, s’ils acceptaient César pour juge, il était convenu qu’ils ne le rejetteraient pas ouvertement, mais qu’ils déclineraient son autorité dans les matières spirituelles avec toutes les formes du respect.

Ces réponses étaient concertées avec Luther, qui, du reste, sollicité par des amis communs, avait renoué sa correspondance avec Mélancthon. À des jugemens sur les points controversés, il mêlait des consolations comme il en pouvait donner, sentant plus le maître qui craint que son disciple ne fléchisse, que l’ami qui comprend les troubles d’une conscience timide et d’un esprit empêché par ses propres lumières. « Pourvois donc enfin, lui écrit-il, à ne te pas tant macérer pour une cause qui n’est pas en ta main, mais en celle de Dieu. » Ailleurs : « C’est ta philosophie qui te donne tous ces tourmens, et non la théologie. » Et dans une autre lettre : « J’ai été dans de plus grands embarras que jamais tu ne seras, et pourtant un mot

  1. Corp. ref., tom. II, no 755.