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prenant des forces de jour en jour, et rendant de plus en plus chanceux l’emploi de la violence. Quant aux protestans, ils n’avaient pas eu de peine à s’accorder : on est toujours d’accord, même dans le parti le plus divisé, pour demander des choses que tout le monde est également loin d’obtenir.

Au reste, jusqu’à la diète de Ratisbonne, qui s’ouvrit en mars 1541, les protestans désirèrent sincèrement un concile, quoique dans d’autres conditions que celui que proposait le pape. Le pape voulait le convoquer en Italie, et parlait de le présider. Les protestans l’auraient voulu en Allemagne, et que le pape n’y fût juge ni en personne ni par ses représentans. Mais l’idée même d’un concile, c’est-à-dire d’une assemblée solennelle où il leur fût enfin permis d’exposer librement la nouvelle doctrine, était populaire dans ce parti. Ils y tenaient d’autant plus qu’ils y savaient le pape opposé, malgré ses promesses réitérées de le convoquer, et qu’ils le voyaient médiocrement désiré par l’empereur, pour qui c’était un moyen plutôt qu’un but.

Le pape se contenta d’abord de donner des promesses vagues. Il ne fixait ni l’époque, ni la forme du concile. L’empereur paraissait le presser, et se donnait aux yeux des protestans le mérite de demander avec instance ce que le pape refusait. Les diètes se succédaient presque sans interruption, et ne duraient guère au-delà des discussions préliminaires. L’empereur s’y louait ou s’y faisait louer de ses nouveaux efforts pour obtenir le concile ; après quoi venaient les difficultés ordinaires sur la manière de délibérer. L’empereur ne se pressait point de les résoudre, sa politique étant de multiplier les diètes pour traîner la paix jusqu’à ce que ses mains fussent plus libres du côté de la France ou de la Turquie, et de les rendre stériles, parce qu’il ne s’y pouvait rien arrêter qui ne fût une conquête pour le parti protestant.

Mais c’est une erreur commune aux plus grands politiques de croire que leurs plans ne servent qu’à eux seuls, et que les droits qu’ils accordent s’arrêteront au point où ils leur seront gênans. Quand Charles pensait se jouer avec ces diètes, il en était dupe à son insu. Chaque diète rapprochait les protestans, et le même moyen qui servait à l’empereur pour prolonger la paix leur servait pour s’affermir et s’étendre. Toutes les lenteurs ne faisaient que rendre inévitable, ou le concile dont le pape ne voulait pas, et dont l’empereur ne voulait que pour embarrasser le pape et tenir les réformés en suspens, ou une diète solennelle et définitive d’où il pouvait sortir autre chose qu’une paix de religion.