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UNE RUELLE POÉTIQUE.

Ses vers sont très soignés ; il a fait nombre de sonnets, et à peu près les derniers en date, avant l’espèce de renaissance que nous-même avons tentée. On peut dire que, si le rondeau à cette époque, est mort sous Benserade[1], le sonnet a fini avec Saint-Pavin. Mais celui-ci n’abusa point autant que l’autre du genre, et dans ses mains la pointe ne s’est pas émoussée. J’en pourrais citer de délicatement tendres ; en voici un de piquant :

SONNET.

Il ne faut point tant de mystère ;
Rompons, Iris ; j’en suis d’accord.
Je vous aimais, vous m’aimiez fort ;
Cela n’est plus, sortons d’affaire.

Un vieil amour ne saurait plaire ;
On voudrait déjà qu’il fût mort :
Quand il languit ou qu’il s’endort,
Il est permis de s’en défaire.

Ce n’est plus que dans les romans
Qu’on voit de fidèles amans :
L’inconstance est plus en usage.

  1. Le dernier rondeau en date que je connaisse est, je crois, celui-ci, adressé (vers le temps de M. de Surville) à une beauté qui faisait la Diane chasseresse :

    Doux Vents d’automne, attiédissez l’amie !
    Vaste Forêt, ouvre-lui tes rameaux !
    Sous les grands bois la douleur endormie,
    En y rêvant, souvent calma ses maux.
    Aux maux plus doux tu fus hospitalière,
    Noble Forêt ! Ici vint La Vallière,
    Ici Diane, en ces règnes si beaux ;
    Et la charmille éclatait aux flambeaux.
    La chasse court, le cerf fuit, le cor sonne :
    Pour prolonger ce que l’ombre pardonne,
    Vous ménagiez le feuillage aux berceaux,
    Doux Vents d’automne !

    Ô ma Beauté ! n’y soupirez-vous pas ?
    Pourquoi ce cri vers le désert sauvage ?
    Sur son coursier la voilà qui ravage
    Rocs et halliers, et franchit tous les pas.
    Cœur indompté, l’air des bois l’aiguillonne,
    L’odeur des pins l’enivre. Ah ! c’est assez ;
    Quand la forêt la va faire amazone,
    Soufflez sur elle et me l’attiédissez,
    Doux Vents d’automne !