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Le Cymbalum Mundi reparut dans une édition plus soignée en 1732, avec la préface de Prosper Marchand et des notes de La Monnoye, qui était mort depuis quelques années. Cette circonstance explique assez bien comment il se fait que ces notes ne soient pas plus nombreuses, et que cette édition ne soit pas meilleure. La Monnoye ne s’était occupé du Cymbalum Mundi qu’en passant, et à l’occasion de son édition des Contes et nouvelles Récréations, du même auteur. Une lecture plus réfléchie, des études moins superficielles auraient produit, sous sa plume, un excellent travail dont il était certainement plus capable que tout autre, et il ne nous resterait rien à dire sur cette matière, s’il l’eût approfondie au lieu de l’effleurer. Il l’a malheureusement laissée toute neuve, soit qu’il n’ait jamais trouvé l’occasion de s’en occuper avec plus de détails, soit qu’il ait craint, avec quelque raison, d’aborder au vif une discussion irritante et dangereuse. Plusieurs de ses notes prouvent que la clé du Cymbalum Mundi ne lui avait pas échappé, et cette clé n’échapperait aujourd’hui à personne, car elle est cachée dans le plus simple de tous les artifices, c’est-à-dire dans l’anagramme. On concevrait même à peine que Desperiers eût dissimulé son secret sous un voile si léger, si l’anagramme avait été aussi vulgaire de son temps que du nôtre, et ma mémoire ne me rappelle actuellement aucun livre remarquable où elle ait été employée avant lui, si ce n’est le Pantagruel d’Alcofribas Nasier, masque transparent de François Rabelais. Mais ce n’était pas un nom que Bonaventure Desperiers s’était avisé de cacher dans l’anagramme, c’était une idée, et il reste encore à savoir si la justice elle-même avait deviné le mot de cette énigme, car l’arrêt du 7 mars 1537, avant Pâques, seul document subsistant de l’accusation et de la poursuite, n’a pas pris la peine de nous en informer. Or, il n’y a rien de plus significatif : le livre est adressé par le prétendu traducteur, Thomas Du Clenier, à son ami Pierre Tryocan, c’est-à-dire, par Thomas l’Incrédule à Pierre Croyant ; cette traduction ne laisse pas le moindre doute sur le véritable motif de l’écrivain, et il est assez évident qu’il s’agit ici de l’incrédulité de Thomas et de la croyance de Pierre, qui n’ont, certainement, rien à démêler avec les superstitions surannées de la mythologie. C’est la raillerie de Lucien et d’Apulée, j’en conviens, mais elle a changé d’objet.

Il est vrai que toutes les éditions portent Thomas Du Clevier, et non pas Thomas Du Clenier, sans en excepter l’édition invisible de 1537, si la réimpression de 1732 l’a suivie fidèlement et à une lettre près ; mais est-il besoin de dire que le v consonne s’écrivait, en 1537,