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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

La chambre ne peut, en effet, manquer d’être bientôt saisie de cette grande thèse de la réforme. L’opposition n’avait pas, depuis quelques mois, assez avancé ses affaires par son silence, pour ne pas essayer de les faire marcher un peu plus vite par sa parole. Dans l’impossibilité de s’adresser en ce moment aux passions vives du pays, elle a été conduite à embrasser une question d’un grand poids par elle-même, en même temps que peu susceptible d’une solution immédiate : thème précieux, qui, d’une part, permet de développer de libérales théories, sans interdire de l’autre et les ajournemens à long terme et les transactions avec le pouvoir, si celui-ci met l’opposition dans le cas de se montrer gouvernementale. Le moment est donc venu de réparer envers les signataires des pétitions électorales les longs oublis de la dernière session, et voici la législature mise en demeure de se prononcer sur des projets qui perdent malheureusement en puissance sur l’opinion ce qu’ils gagnent en variété. Une idée politique ne s’impose que sous condition d’être simple, et lorsqu’au lieu de rallier les esprits à une formule unique et populaire, elle engendre de nombreux systèmes et détermine des divisions plus profondes, on peut douter de sa force comme de son avenir.

Vous me permettrez, monsieur, à raison du calme au sein duquel les théories électorales semblent cette fois devoir se débattre, de commencer par étudier le principe de la représentation dans ses manifestations successives. L’impatience du pays ne me pressant pas de conclure, je voudrais, avant de vous soumettre des vues que vous taxerez peut-être de hardiesse, caractériser les phases principales traversées par une idée qui résume en elle seule l’histoire et la législation des peuples libres.

Je dois commencer par les Grecs et les Romains, dont vous n’exigez pas qu’on vous délivre.

Les sociétés antiques reposent à leur berceau sur une base sacrée. L’esprit de caste y parque les hommes entre des barrières infranchissables ; le sol s’y divise selon des proportions mystiques, et les lois tirent leur origine et leur sanction de faits supérieurs aux volontés des peuples. La personnalité humaine semble d’abord enveloppée dans le réseau de ces institutions formidables qui unissent la terre au ciel, et remontent jusqu’à lui comme à leur source. Peu à peu cependant cette personnalité se dégage ; le reflet des temps divins devient plus pâle, les lois perdent leur mystérieux caractère, et les sociétés s’organisent suivant un mécanisme auquel l’altération des primitives croyances ne laisse bientôt plus d’autre force que la