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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

qu’il serait incessamment menacé par la coalition de toutes les ambitions et de toutes les haines personnelles ? Se figure-t-on bien ce que serait le gouvernement de la France le jour où une chambre aurait une sorte de certitude morale d’être constamment réélue, à raison du patronage local de ses membres et indépendamment de leur attitude parlementaire ? Après avoir annulé l’action constitutionnelle de la pairie et mis la royauté aux prises avec une assemblée unique, n’arriverait-on pas à rendre illusoire aussi pour elle le droit de dissolution ? À quoi lui servira-t-il de l’exercer, et pourquoi le tenterait-elle, lorsque dans les circonstances les plus graves, en présence des plus hautes questions de l’ordre diplomatique ou gouvernemental, elle pourrait espérer à grand’peine de déplacer, de part et d’autre, un nombre insignifiant de suffrages ? Où en serait la liberté, lorsqu’on verrait à la fois l’intrigue rendre les majorités mobiles au sein de la chambre et la corruption les rendre fixes dans le pays ?

La dernière dissolution, essayée au milieu des circonstances les plus graves, avec des résultats aussi peu prononcés, ne doit-elle pas faire redouter pour l’avenir un péril dont le fractionnement des colléges augmente évidemment l’imminence ? Il est impossible sans doute de dégager complètement le député du caractère de mandataire local, cela ne serait, d’ailleurs, aucunement désirable dans ce qu’un tel mandat présente de légitime et d’élevé ; mais ne peut-on pas croire que l’élection départementale lui imprimerait un sceau plus politique ? Élu par une plus vaste circonscription, choisi au-delà des limites de la commune chef-lieu de sous-préfecture, le mandataire cesserait d’être en face de quatre ou cinq électeurs, ses voisins immédiats, qui tiennent en leurs mains la trame de sa vie parlementaire dans une dépendance étroite et continue. La pluralité des noms portés sur le bulletin départemental ne contribuerait pas peu à ôter à l’élection le caractère d’un service privé, et dans ses combinaisons plus larges, dans ses transactions plus variées, le scrutin exprimerait une pensée, au lieu de ne représenter qu’un nom propre.

Voilà, monsieur, l’idée la plus précise, la plus immédiatement applicable qui me soit suggérée par la réforme électorale. L’élection directe rend tout abaissement du cens impossible, elle exclut, dans l’esprit de tout homme sincère, jusqu’à l’ombre d’une hésitation à cet égard. Rappelez-vous quelles ont été, depuis quelques années, les principales questions soumises, en France, à l’appréciation des électeurs ; veuillez vous interroger sur celles qu’un prochain avenir leur réserve. N’est-ce pas sur les plus difficiles problèmes de la poli-