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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

On s’est trompé d’une manière plus grave encore sur le temps où elle a vécu. D’abord il faut citer comme un singulier exemple de préoccupation nationale l’opinion de l’Anglais Laurent Humphrey, qui, jaloux de conquérir cette muse à sa patrie, n’a rien trouvé de mieux que de la confondre avec la poétesse anglaise Hilda Heresvida[1], qui vécut au viie siècle[2]. Il ne servirait de rien à ce critique trop patriote de prouver, comme il s’efforce en vain d’y parvenir, que Hilda vivait au IXe siècle, puisque Hrosvita ne vécut pas plus au IXe qu’au XIe siècle, double erreur contradictoire, dans laquelle, pour le dire en passant, on n’est pas peu surpris qu’ait pu tomber le savant Tritheme[3]. On n’est pas moins étonné de voir Charles Dufresne classer Hrosvita parmi les écrivains du XIIe siècle, dans son Index scriptorum mediœ et infimœ latinitatis.

Il suffit de jeter les yeux sur le poème de Hrosvita, intitulé Panegyris sive historia Oddonum et sur la dédicace à Othon II, qui le précède, pour être certain que Hrosvita florissait dans la seconde moitié du Xe siècle. Mais il est plus difficile de déterminer exactement la date de sa naissance et de sa mort. Hrosvita nous apprend elle-même qu’elle vint au monde long-temps après le trépas d’Othon l’Illustre, duc de Saxe, père de Henri-l’Oiseleur[4], arrivé le 29 novembre 912[5]. Elle se dit ailleurs[6] un peu plus âgée que Gerberge II, fille du duc Henri et nièce de l’empereur Othon Ier, ordonnée abbesse de Gandersheim l’an 959[7], et née, suivant toute apparence, vers 940. Il résulte de ces deux témoignages combinés que Hrosvita naquit nécessairement entre les années 912 et 940, et beaucoup plus près de la seconde date que de la première. L’époque de sa mort est encore plus difficile à fixer. Un seul fait est certain, c’est qu’elle vivait encore en 973, puisqu’elle dédia

  1. Je ne sais dans lequel de ses ouvrages Laurent Humphrey a déposé cet étrange paradoxe : Martin Seidel et les autres écrivains qui l’ont réfuté ont négligé de citer le livre où il a émis cette assertion.
  2. Beda, Hist. eccles., lib. III, cap. XXXIII.
  3. Tritheme (Liber de script. ecclesiast., in-4o, 1512, pag. 89) fait Hrosvita contemporaine du pape Johannes Anglicus ou Johanna Britannica, c’est-à-dire de la prétendue papesse Jeanne, par conséquent vivante vers l’an 854 ; et, dans le même ouvrage, il l’a placée au milieu des écrivains du XIe siècle ! — Tritheme a évité cette double faute dans deux autres ouvrages où il parle de Hrosvita, De viris illustrib. German., pag. 129, ed. Francfurt, et Annal. Hirsaugiens., tom. I, pag. 113.
  4. Hrosvita, Carmen de construct. cœnob. Gandesh., v. 562, seqq.
  5. Iselin, Histor. lexic., Bâle, 1726-27, in-fol., tom. III, pag. 753.
  6. In Opera sua carmine conscripta pråfatio.
  7. Catalog. msc. abbat., n. 6 et 7. — Rupius, In Chron. msc., n. 6 et 7, cités par Leuckfeld, Antiq. Gandersh., pag. 220.