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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

Paphnuce. — Et d’où vous vient cette présomption ? Vos lèvres souillées oseraient-elles bien prononcer le nom de la divinité sans tache ?

Thaïs. — Et de qui puis-je espérer mon pardon ? Qui me sauvera par sa miséricorde, s’il m’est défendu d’invoquer celui contre qui j’ai péché, et à qui seul je dois offrir mes humbles prières ?

Paphnuce. — Vous devez prier non par vos paroles, mais par vos larmes ; non par le son plaintif de votre voix, mais par le râle intérieur de votre cœur repentant.

Thaïs. — S’il n’est pas permis à ma voix de prier Dieu, comment puis-je espérer mon pardon ?

Paphnuce. — Vous l’obtiendrez d’autant plus vite que vous vous serez plus humiliée. Dites seulement : « Ô mon Créateur, ayez pitié de moi ! »

Thaïs. — J’ai bien besoin qu’il ait pitié de moi, pour n’être pas vaincue dans ce combat périlleux.

Paphnuce. — Combattez avec courage, et vous serez victorieuse.

Thaïs. — C’est à vous, ô mon père, de prier pour me faire obtenir la palme de la victoire.

Paphnuce. — Cette recommandation n’était pas nécessaire.

Thaïs. — J’ai l’espérance.(Elle entre dans la cellule.)

Paphnuce. — Il est temps pour moi de reprendre le chemin de ma solitude, et d’aller revoir mes disciples chéris. Vénérable abbesse, je confie cette captive à vos soins et à votre bonté. Je vous prie de lui donner le nécessaire, sans trop d’indulgence pour son corps délicat, et de régénérer son ame par vos salutaires exhortations.

L’abbesse. — Soyez sans inquiétude, j’aurai pour elle une tendresse de mère.

Paphnuce. — Je pars.

L’abbesse. — Allez en paix.


Scène IX.


PAPHNUCE, LES DISCIPLES.

Un disciple. — Qui heurte à la porte ?

Paphnuce. — Moi.

Le même disciples. — C’est la voix de Paphnuce, notre père !

Paphnuce. — Ôtez le verrou.

Les disciples. — Salut, ô notre père !

Paphnuce. — Salut.

Les disciples. — La durée de votre absence nous inquiétait beaucoup.

Paphnuce. — Je me félicite de m’être absenté.

Les disciples. — Qu’est devenue Thaïs ?

Paphnuce. — Ce que je désirais qu’elle devint.

Les disciples. — Où l’avez-vous conduite ?