Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/769

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
765
VOYAGE DANTESQUE.

puyant ses quatre pieds sur le dos d’un damné, et lui mordant la nuque ; un autre groupe semble exprimer l’affreuse métamorphose ; mais, sauf ces détails, la fresque, je le répète, n’a aucun rapport avec le poème. On peut trouver une analogie plus réelle, quoique moins directe, entre les personnifications des vertus et des vices que le Giotto a peintes au même lieu et les conceptions si souvent allégoriques de Dante.

On a comparé l’expressive représentation de la Colère, qui ouvre ses vêtemens pour se déchirer la poitrine, aux vers énergiques par lesquels Dante peint la rage d’un furieux qui se déchire lambeau à lambeau :

Brano a brano.

Mais, en somme, le Giotto, contemporain et ami de Dante, l’a beaucoup moins imité qu’Orgagna, venu un peu plus tard. On le conçoit : il fallait que les créations du poète fussent déjà consacrées par un certain laps de temps et une certaine durée d’admiration pour pouvoir prendre place sur les murailles des temples chrétiens à côté des révélations de l’Apocalypse ou des tableaux de l’Évangile.

Dans l’église des Eremitani, des peintures d’un autre contemporain de Dante sont plus fidèlement empreintes de son esprit : ce sont les fresques de Guariento Padouan, mort en 1338. Dans le chœur des Eremitani, on voit les sept planètes représentées à côté de la passion et de la résurrection, en vertu d’une association des idées théologiques et des idées astronomiques déjà signalée, et sur laquelle repose toute la contexture du Paradis.

Quelques circonstances rendent encore plus frappant le rapprochement entre le peintre et le poète. Ici les différens signes du zodiaque sont placés près des personnages qui figurent chaque planète. De même, Dante a soin d’indiquer toujours avec une exactitude minutieuse, à chaque pas de son voyage à la fois mystique et cosmologique, dans quel signe du zodiaque se trouve le soleil.

À Padoue, Mars est figuré par un guerrier, et Dante place dans cette planète les guerriers morts pour la foi. La Lune de Guariento est une femme posant le pied sur deux globes, qui expriment l’instabilité attribuée par les préjugés astrologiques à tout ce qui naissait sous l’influence de cet astre. Dante, guidé par les mêmes préjugés, a placé dans la lune les ames de ceux qui ont involontairement rompu leurs vœux. Enfin, la terre est entourée d’un cercle de rayons rouges, sans doute pour désigner la sphère de feu qui l’envelop-