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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

du pays. Quelle qu’en soit l’issue définitive, la réforme maintiendra les droits politiques aux mains qui les exercent aujourd’hui, en donnant de nouveaux gages au droit exclusif de la fortune combiné avec celui de la capacité, idée simple et capitale, qui n’est rien moins que le principe fondamental du gouvernement des sociétés modernes.

Cette base est en effet, dans l’Europe actuelle, celle du gouvernement dit des classes moyennes ou de la bourgeoisie, double dénomination qui manque évidemment d’exactitude. Une classe moyenne présuppose, de toute nécessité, l’existence de classes supérieures ; or, la prétention de la classe gouvernante en France, ce qui fonde et constitue son droit à la direction de la société, c’est la prépondérance même qu’elle exerce. S’il est en ce moment un certain nombre de grandes existences non absorbées dans son sein et résistant à une assimilation avec elle, vous avez vu que ce fait, d’un ordre transitoire, tend de plus en plus à s’effacer sous les prescriptions rigoureuses de la loi civile et l’esprit général du temps. Remarquez, en effet, que s’il n’en était pas ainsi, le gouvernement des classes moyennes manquerait également et de titre et de garantie ; car, en arguant de son principe, on pourrait prévaloir contre lui par cela seul qu’on représenterait une plus grande masse de capitaux ou une plus grande somme de lumières.

La qualification de gouvernement bourgeois n’est pas plus heureuse, du moins en prenant le mot dans son sens primitif. La communauté bourgeoise était une concession dont le fait supposait un pouvoir d’un autre ordre et d’un titre supérieur, et rien n’est plus opposé que le droit de 1789 à celui qui naissait, pour les bourgeois du XIIIe siècle, d’un affranchissement et d’un octroi purement local. La seule qualification qui convînt à l’état social dont la France essaie la réalisation laborieuse, serait celle de gouvernement des classes éclairées. Ce qu’une telle dénomination aurait de prétentieux, la prise qu’elle pourrait parfois donner au ridicule, si l’on mesurait les faits à l’échelle des principes, n’empêcherait pas qu’elle ne fût rigoureusement exacte. Quelle est la forme de gouvernement, quelle est même la science qui corresponde à son type et tienne tout ce que promet son nom ?

En présentant l’idée de 89 comme un progrès dans la civilisation du monde, comme une conquête chèrement achetée, je ne me dissimule, croyez-le bien, monsieur, aucune des difficultés qui lui sont propres ; je sais trop bien les périls auxquels elle semble exposer l’organisation politique tout entière. Partout la mobilité, nulle part