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Aujourd’hui, excepté le palais des Malatesta qui existe encore, il ne reste rien qui rappelle Francesca ; nulle tradition n’indique où fut le tombeau des deux amans. C’est que d’autres souvenirs sont venus se placer entre ces souvenirs plus anciens et la postérité. Les Malatesta du XVe siècle ont effacé, par leur grandeur historique, la célébrité romanesque de ceux du XIVe. Pandolfe et Sigismond ont fait oublier Polo et Gianciotto, la docte et vertueuse Isolt a mis dans l’ombre la naïve et faible Francesca.

C’est Pandolfe qui fit élever par Alberti cette admirable et singulière cathédrale où l’on voit l’architecture inspirée par l’antiquité s’accoler, pour ainsi dire, à l’architecture gothique ; vivante et glorieuse image du XVe siècle, de ce siècle de transition, intermédiaire entre le moyen-âge et la renaissance. À ce caractère de transition entre le christianisme du moyen-âge et le paganisme du XVIe siècle, se rapporte une association étrange et dont j’ai déjà cité un autre exemple, entre les divinités planétaires et les objets du culte catholique. Dans la cathédrale de Rimini, de curieux bas-reliefs présentent à l’œil étonné Saturne, Jupiter, Vénus, comme, dans la chapelle des Eremitani à Padoue, nous les ont montrés les peintures de Guavento. Ici, le caractère païen des figures, sans aucun mélange d’allégorie, est encore plus tranché : Saturne tient un enfant qu’il va dévorer. Dante, comme je l’ai dit, avait sous ce rapport devancé le XVe siècle, en mêlant des idées astronomiques à ses conceptions chrétiennes ; ce mélange s’est continué plus tard. Les mosaïques de la chapelle Chigi, dans l’église de Sainte-Marie-du-Peuple à Rome, représentent les divinités des planètes, avec leurs attributs mythologiques, chacune ayant un ange auprès d’elle, et c’est Raphaël qui a tracé les dessins de ces mosaïques.

Près de Rimini est la république de Saint-Marin, célèbre par sa petitesse et par sa durée, molécule de la société du moyen-âge que le rouleau de l’ère monarchique a oublié d’écraser. Il ne peut être fait mention ici de cette république naine que parce qu’elle offre aujourd’hui un échantillon unique de ce qu’était la vie générale de l’Italie au temps où Dante écrivait. À l’ombre du nom de son saint patron, protégée par son peu d’importance et par l’argent des Florentins, San-Marino a subsisté jusqu’à nous, et nous montre cette alliance de la religion et de la liberté qui fut le caractère des communes italiennes au XIIIe siècle. Rien ne saurait exprimer plus vivement une telle alliance que la nouvelle cathédrale de Saint-Marin. Les sept mille habitans qui forment la population de ce petit état,