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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

sentant de la liberté religieuse en même temps que de la liberté politique.

C’est en étant à la fois loyal et ferme dans ses rapports avec un corps auquel le droit commun sied aujourd’hui mieux que la puissance, qu’il poussera des racines dans le cœur des peuples. En osant être juste, ne fût-ce que dans l’intérêt de sa politique et de son influence au dehors, il pourra sans doute contrarier certains hommes, moins odieux pour n’avoir pas de croyances que pour vouloir attenter à celles des autres, et peut-être aura-t-il à lutter jusque dans les rangs de ses amis contre des repoussemens dissimulés sous des souvenirs de légalité parlementaire ; mais, s’il sait comprendre sa mission, il résistera à des traditions hypocrites et bâtardes, et, se posant devant l’Europe comme l’observateur scrupuleux de tous les principes proclamés par lui, il laissera se développer dans toute sa hauteur une pensée assez féconde, pour que les peuples de la terre viennent encore se reposer à son ombre.

Napoléon avait embrassé de son œil d’aigle tout ce que la religion imprime d’autorité aux pouvoirs sortis des révolutions ; mais il abusa de la religion comme de la fortune, et les lassa l’une et l’autre par les gigantesques exigences de son égoïsme. N’employant jamais les forces morales que comme des machines subordonnées à l’ensemble de ses desseins, et ne comprenant pas plus la liberté que la foi, il prétendit faire de ses évêques des fonctionnaires publics du même ordre que ses sénateurs, désirant que les uns mentissent à la conscience religieuse, comme les autres à la conscience politique. Dans les idées napoléoniennes, les prêtres n’étaient guère que des magistrats chargés de prêcher au fond du dernier hameau l’obéissance à l’empereur et la docilité à la conscription ; les prélats devaient rivaliser avec les préfets en mandemens adulateurs et en Te Deum magnifiques, et le pape, cette personnification de l’idée la plus universelle qui soit au monde, n’était compris que comme un primat des Gaules, lequel, au prix de quelques millions de traitement, devait apporter ses hommages au pied du trône du maître du monde et au berceau du roi de Rome.

La restauration vit à son tour, dans le clergé, un instrument de propagande monarchique. On eût voulu ajouter le dogme de la légitimité au symbole de la foi catholique, et le placer en quelque sorte entre l’unité de Dieu et la trinité de ses personnes ; on chantait en chœur les Bourbons et la foi, et pour donner de la consistance à l’église, pour attirer vers cette carrière les gens de qualité, on per-