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REVUE DES DEUX MONDES.

Une question actuellement pendante se lie d’une façon intime à celle qui vient de nous occuper, et ne peut manquer de s’établir bientôt au premier plan de nos débats parlementaires. L’état exerce aujourd’hui en France un monopole intellectuel analogue à celui que vos amis politiques s’efforcent d’arracher aux mains de l’église établie. L’enseignement des colléges royaux est chez nous une condition obligée pour l’admission aux grades académiques, comme celui des universités anglicanes impitoyablement fermées jusqu’ici à vos innombrables dissidens. Vous trouvez absurde que dans votre patrie, ouverte à toutes les croyances, sur un sol où les sectes pullulent en quelque sorte avec une fécondité sans égale, on ne puisse devenir docteur en droit ou en médecine, sans signer un formulaire théologique. Vous avez grandement raison, monsieur, et les excellens motifs que vous en donnez pourront servir utilement en France, lorsqu’un débat semblable s’élèvera devant le pays. La liberté de l’enseignement est, en effet, la conséquence immédiate de la liberté de la pensée ; j’ajoute qu’elle sera une grande et légitime satisfaction donnée à la conscience religieuse.

Comment celle-ci n’aurait-elle pas, en effet, quelque peine à admettre qu’un gouvernement auquel la loi fondamentale et la force des choses, plus puissante encore que la loi, prescrivent une sorte de neutralité entre toutes les croyances légalement reconnues, qu’un gouvernement incompétent en matière de foi pût enseigner avec cette autorité par laquelle la foi s’impose ? Au père seul, ce prêtre de la famille, et au prêtre, ce père de l’humanité, il appartient de préparer le cœur de l’homme à de telles communications, et de susciter en lui ce sens intérieur que nulle autre parole n’aurait puissance d’éveiller. L’état voudra sans aucun doute que l’enseignement donné en son nom soit moral et religieux, il prescrira l’observance rigoureuse et de toutes les convenances et des principaux devoirs, mais cela ne suffira point à rassurer toutes les familles ; et n’y en eût-il qu’une seule hésitant de bonne foi à confier son avenir aux soins de l’université, cette exception imposerait l’obligation d’organiser l’éducation libre en face de l’éducation officielle.

Qu’un établissement savant et fort reste comme le modèle et le but éternel de toutes les rivalités, que l’état n’abdique pas sa mission civilisatrice et qu’il réclame pour l’ordre public des garanties que nul moins que moi ne voudrait lui voir ravir ; qu’il impose pour ce grave ministère de l’enseignement des conditions rigoureuses d’aptitude et d’épreuve en ne faisant d’exception pour personne, qu’il apprenne