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une masse de rochers schisteux dont quelques-uns s’élèvent dans son lit et dominent le passage dangereux connu sous le nom de trou de Bingen. Ainsi resserré par les montagnes, il coule long-temps entre deux rives escarpées, sur les promontoires desquelles se montrent sans cesse, au milieu des arbres, de vieilles tours ruinées, dont chacune a son histoire et sa légende. À Coblentz, il reçoit la Moselle, remarquable, elle aussi, par la beauté de ses rivages et la bonté des vins de ses côteaux. En face s’élève la formidable forteresse d’Ehrenbreitstein. Les bords du fleuve restent abruptes et sauvages jusqu’à Oberwinter, où les montagnes de la rive gauche s’abaissent successivement pour expirer près de Bonn. Les dernières hauteurs de la rive droite sont les sept montagnes, cônes basaltiques couverts de verdure, dont le plus célèbre, le Drachenfels, avance à pic sur le Rhin sa cime couronnée d’une vieille tour. Quelques lieues plus bas, sur une rive plate et déjà presque hollandaise, se montre Cologne avec son admirable fragment de cathédrale qui attend en vain un architecte pour l’achever. Plus bas, c’est Dusseldorf avec sa remarquable école de peinture, puis Wesel, puis la Hollande. Peu après avoir quitté le territoire allemand, le Rhin se divise en deux bras, dont l’un va se réunir à la Meuse, prête à se perdre dans l’Océan, dont l’autre se divise de nouveau à plusieurs reprises. Un des moindres bras, affaibli par tant de saignées, ayant été obstrué par les sables que les vents et les marées accumulaient à son embouchure, on a été obligé de le rouvrir de main d’homme ; de là vient le conte tant répété que l’immense Rhin se perd dans les sables, malgré l’énorme masse d’eau qu’il porte à la mer par le Wahal, le Leck, la Vechte et l’Yssel.

Tel est le cours du Rhin, médiocre en étendue, mais incomparable peut-être comme véhicule de commerce et de civilisation, et surtout par son importance historique. Il commence en Suisse et finit en Hollande, deux pays habités par des races germaniques, tous deux anciens vassaux de l’empire devenus indépendans, tous deux ayant joué dans l’histoire un rôle hors de toute proportion avec leur grandeur et leurs forces matérielles. L’Alsace, cette Allemagne française, s’étend sur la rive gauche, et le fleuve tient encore à la France par la Moselle, que la Lorraine lui envoie. Sur les sept électeurs de l’ancienne Allemagne, quatre résidaient sur ses bords, les trois électeurs ecclésiastiques et le comte Palatin ; on l’appelait la route des prêtres à cause de tous ses évêchés souverains, Coire, Constance, Bâle, Strasbourg, Spire, Worms, Mayence, Trèves, Cologne. Ses affluens