Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/819

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



PAULINE.

i.

Il y a trois ans, il arriva à Saint-Front, petite ville fort laide qui est située dans nos environs et que je ne vous engage pas à chercher sur la carte, même sur celle de Cassini, une aventure qui fit beaucoup jaser, quoiqu’elle n’eût rien de bien intéressant par elle-même, mais dont les suites furent fort graves, quoiqu’on n’en ait rien su.

C’était par une nuit sombre et par une pluie froide. Une chaise de poste entra dans la cour de l’auberge du Lion couronné. Une voix de femme demanda des chevaux, vite, vite !… Le postillon vint lui dire fort lentement que cela était facile à dire, qu’il n’y avait pas de chevaux, vu que l’épidémie (cette même épidémie qui est en permanence dans certains relais sur les routes peu fréquentées) en avait enlevé trente-sept la semaine dernière, qu’enfin on pourrait partir dans la nuit, mais qu’il fallait attendre que l’atelage qui venait de conduire la malle-poste fût un peu rafraîchi. — Cela sera-t-il bien long ? demanda le laquais empaqueté de fourrures qui était installé sur le siége. — C’est l’affaire d’une heure, répondit le postillon à demi débotté ; nous allons nous mettre tout de suite à manger l’avoine.

Le domestique jura ; une jeune et jolie femme de chambre, qui avançait à la portière sa tête entourée de foulards en désordre, murmura je ne sais quelle plainte touchante sur l’ennui et la fatigue des