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LES JOURNAUX
CHEZ LES ROMAINS
PAR M. JOSEPH-VICTOR LECLERC.[1]

L’érudition a bien peu de juges au soleil. Pour l’estimer à son prix, il faudrait la posséder de près et la regarder de loin. Or, quand on s’en est approché et qu’on s’est donné toute cette peine du détail, on est du métier, on y est englué, on ne s’en éloigne plus. On en a le pli, les habitudes, la morgue trop souvent, les précautions et les dédains d’aruspice contre les profanes et les amateurs, les rivalités, les préventions aussi et les entremangeries intestines, comme dit Bayle. Pour juger l’érudition, il ne serait pas mal d’être érudit d’abord, puis, par là-dessus, d’être quelque peu bel-esprit et philosophe, pour ne pas négliger tout-à-fait, en la jugeant, l’agrément et l’idée, ce que l’érudition se retranche si volontiers. Mais les beaux-esprits s’arrêtent le plus souvent en chemin et se rebutent avant d’acquérir le droit d’être juges. Les philosophes sautent à pieds joints et aiment mieux inventer. Les érudits restent entre eux, se dénigrant, se combattant, se louant et se citant. Le public, même éclairé, ne sait trop sur eux à quoi s’en tenir.

L’érudition, en ce qu’elle a de réputé exact et rigoureux, est devenue quelque chose d’aussi spécial que la chimie. Dans la discussion d’un point même d’histoire et de littérature, un digne savant ne se

  1. Firmin Didot, rue Jacob, 56.