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déposer leur principal chef, le khan de Kélat. L’artillerie et les munitions envoyées à Hérat, sous la conduite du major Todd, avaient atteint leur destination. Le shah d’Hérat avait accepté les propositions qui lui étaient faites par le gouvernement suprême ; il s’était résigné à reconnaître Shah-Shoudjâ, son oncle, comme roi de Kaboul. Les Anglais se chargeaient de réparer les fortifications d’Hérat. Kamran est un homme d’une soixantaine d’années, d’un extérieur peu recommandable ; nous avons vu ce qu’on devait penser de son caractère. Shah-Shoudjâ a également atteint sa soixantième année, mais il a une belle figure, une physionomie où la majesté et la bonté se peignent dans chaque trait. Un officier présent à l’intronisation du shah à Kandahar écrit qu’il ne paraît pas avoir plus de quarante ans. Ce monarque reprend le sceptre sous les plus heureux auspices. Il y a cependant beaucoup à faire encore pour arriver à la reconstruction de l’unité gouvernementale dans l’Afghanistan, et la consolidation du pouvoir royal sera, avant tout, l’œuvre de l’influence anglaise. Le commerce, ruiné par les troubles continuels dont ces malheureux pays ont été le théâtre pendant tant d’années, va renaître et s’accroître rapidement à la faveur des mesures actives et intelligentes que M. Macnaghten ne manquera pas de recommander au souverain. La conquête, quand elle a ainsi pour but l’organisation et le commerce, est, nous le répétons, un puissant moyen de civilisation. On pensait que M. Macnaghten resterait au moins un an à Kaboul pour y asseoir le nouveau gouvernement sur des bases durables.

Il sera d’un haut intérêt d’étudier les nouvelles relations qui, en conséquence de ces grands changemens, vont s’établir entre la Perse d’un côté, l’Asie centrale et la Russie de l’autre, et ces riches provinces de l’Afghanistan placées si hardiment sous le protectorat de l’Angleterre, relations auxquelles se rattache la déclaration toute récente et si remarquable de la Russie contre le khan de Khiva. La navigation de l’Indus et de ses affluens va aussi se régulariser et se développer au profit surtout de nos voisins. Ce sont des questions importantes et dont la solution intéresse non seulement les destinées de l’Inde britannique, mais celles du monde entier.

Dans la suite de ce travail, nous apprécierons les ressources naturelles et commerciales de l’Afghanistan et du Delta de l’Indus, que l’Angleterre vient aussi de ranger sous sa loi. Nous examinerons ensuite en quoi l’annexation de ces contrées à l’empire, déjà si vaste, des Indes anglaises, modifie l’état politique et commercial de cet empire et engage son avenir.


A. de Jancigny