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SILVIA.

Et lui posant la main sur la poitrine,
Il lui dit doucement : « Mon ame, dormez-vous ? »
La pauvre enfant, croyant voir un fantôme,
Voulut crier ; le jeune homme ajouta :
« Ne criez pas, je suis votre Jérôme. »
« Pour l’amour de Dieu, dit Silvia,
« Allez-vous-en, je vous en prie.
« Il est passé ce temps de notre vie
« Où notre enfance eut loisir de s’aimer.
« Vous voyez, je suis mariée.
« Dans les devoirs auxquels je suis liée,
« Il ne me sied plus de penser
« À vous revoir ni vous entendre.
« Si mon mari venait à vous surprendre,
« Songez que le moindre des maux
« Serait pour moi d’en perdre le repos ;
« Songez qu’il m’aime et que je suis sa femme. »
À ce discours, le malheureux amant
Fut navré jusqu’au fond de l’ame.
Ce fut en vain qu’il peignit son tourment,
Et sa constance et sa misère ;
Par promesse ni par prière,
Tout son chagrin ne put rien obtenir.
Alors, sentant la mort venir,
Il demanda que, pour grace dernière,
Elle le laissât se coucher
Pendant un instant auprès d’elle,
Sans bouger et sans la toucher,
Seulement pour se réchauffer,
Ayant au cœur une glace mortelle ;
Lui promettant de ne pas dire un mot,
Et qu’il partirait aussitôt
Pour ne la revoir de sa vie.
La jeune femme, ayant quelque compassion,
Moyennant la condition,
Voulut contenter son envie.
Jérôme profita d’un moment de pitié ;
Il se coucha près de Silvie.
Considérant alors quelle longue amitié
Pour cette femme il avait eue,