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et immédiate influence sur le pouvoir, il lui importait de ne pas se tendre des piéges à elle-même, en paraissant favoriser ce qu’elle ne veut pas, et repousser ce qu’elle désire. Elle a surtout compris que sa mission était, avant tout, de reformer une majorité conservatrice, stable, compacte, véritable point d’appui pour le pouvoir, menacé dans l’intérieur par la légèreté et l’insouciance générale des esprits plus encore que par les efforts désespérés des derniers factieux, appelé à l’extérieur à soutenir d’une main ferme et prudente l’honneur national, les intérêts français. Elle a compris qu’il ne s’agissait pas de savoir d’abord par quels hommes nous serions gouvernés, mais bien quelle majorité nous aurions ; qu’il appartenait à la majorité de présenter des candidats pour le ministère, et nullement à tel ou tel député de se faire une majorité pour son service. Une majorité due à l’analogie réelle des opinions et au besoin, également et profondément senti, de force et d’élévation dans le gouvernement, pouvait seule servir de base solide à un système politique, et présenter des chances raisonnables d’avenir. Cette majorité, si elle était possible, ne pouvait pas être faite de main d’hommes ; elle ne pouvait être que le résultat naturel, spontané des circonstances, l’œuvre de la chambre elle-même, des principes qui y dominent, des sentimens dont elle se trouve réellement animée lorsqu’elle se consulte dans l’apaisement de la tourmente politique.

C’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour bien apprécier le fait grave, décisif peut-être, de la nomination de la commission de l’adresse dans la chambre des députés. Non-seulement les opinions extrêmes n’ont pu y faire arriver un seul de leurs représentans, mais il en a été de même de la gauche constitutionnelle. Le centre gauche opposant y est faiblement représenté, comme pour lui indiquer qu’on ne voulait pas désespérer de le voir, lui aussi, se rallier au parti gouvernemental. Les opinions conservatrices, quelles que soient leurs nuances, ont envahi la commission. La majorité s’est révélée. Elle existe. Il faut seulement la cimenter, la consolider, et l’aider à jouer dans les affaires du pays le rôle qui lui appartient.

Un rapprochement curieux, significatif, ne saurait échapper à l’observateur : c’est qu’en réalité le même esprit a dirigé les deux chambres dans le choix des commissaires. Dans la chambre des députés, M. Quesnault, M. Dumont, M. Legentil, siègent à côté l’un de l’autre, en parfaite harmonie, dit-on ; un fait analogue, autant du moins que le permettent les nuances toujours plus adoucies de la chambre des pairs, se reproduit dans la commission qu’elle a nommée.

Encore une fois, et nous nous plaisons à insister sur ce fait, parce qu’il est honorable pour la France, parce qu’il prouve qu’il ne faut jamais désespérer de nos assemblées politiques qu’au jour même où tout y paraît désordre et dissolution, la vie, l’action, l’harmonie y renaissent tout à coup, comme par enchantement ; — encore une fois, disons-nous, le fait capital du moment, c’est l’intention positive, manifestée par la chambre des députés, de donner au pouvoir l’appui d’une majorité forte et compacte, d’une majorité conservatrice, qui ne sera ni une coterie ni même un parti, qui recevra également dans